Le «peuple du maïs» au Musée de l'Amérique française
Dans la région de Québec, aucun des 12 villages décrits par Cartier na pu être identifié par les fouilles, pas même Stadaconé. Étonnant. Voilà un beau projet pour les Fêtes du 400e...
Régis Tremblay
Le Soleil
Combien dentre nous ont gardé de « lIndien » limage folklorique du chasseur-pêcheur-cueilleur qui se contente de prélever ce que la nature lui offre gratuitement ? Si les nomades algonquiens répondent à peu près à cette image, les sédentaires Iroquoiens, dont font partie les Hurons-Wendats, ont été des défricheurs et des agriculteurs qui ont cultivé le maïs tout le long de la vallée du Saint-Laurent et jusque dans lest des États-Unis.
Cest ce « peuple du maïs » que nous découvrons au Musée de lAmérique française, à la faveur dune étonnante exposition venue du Musée de Pointe-à-Callières, à Montréal. Le parcours évoque notamment le premier établissement français en Amérique du Nord, à Cap-Rouge, où Cartier sinstalla en 1541. Cest là que lon a retrouvé, en 2005, des morceaux de poteries iroquoiennes à côté de pièces de faïence européennes. Voir ces menus mais précieux éclats dhistoire constitue une belle préparation à une visite de ce site en 2008, pour le 400e anniversaire de la fondation de Québec par Champlain... 67 ans après Cap-Rouge.
Cartier et Champlain sont convoqués au tribunal de lHistoire, pour évoquer lun des plus troublants mystères de notre passé... Lorsque Cartier arrive, en 1534, plus de 10 000 Iroquoiens (gens parlant liroquois) sont établis sur leurs terres, quils cultivent depuis des siècles. On en trouve dailleurs de très belles descriptions dans les récits de lexplorateur.
Étrangement, six décennies plus tard, Samuel de Champlain cherche vainement les nombreux villages décrits par Cartier. On a longtemps cru à la disparition de ces populations, à cause dune épidémie ou dune catastrophe climatique. Lhypothèse la plus récente veut que les Iroquoiens se seraient plutôt sagement dispersés, lors de guerres entre peuples améridiens, à la fin du XVIe siècle.
Les plus récentes recherches archéologiques, dont nous pouvons admirer quelque 160 trouvailles dans cette exposition, nous permettent enfin de tracer un tableau plus juste et plus coloré de ce que fut la Grande Iroquoisie, qui regroupait de nombreux peuples partageant la même langue : Hurons, Wendats, Agniers (en anglais : Mohawks), Attiwandarons, Ériés (Chats), Onontagués, Onneyouts, Pétuns (gens du tabac)...
En observant la superbe maquette dun village protégé par une palissade où sentassent plus de 60 maisons longues, on constate que les Iroquoisiens cultivaient de nombreux petits champs de maïs, beaucoup mieux intégrés à lenvironnement que nos vastes monocultures.
Juste à côté, une grande illustration recrée la vie à lintérieur de lune de ces maisons longues, où vivent une dizaine de familles regroupées selon la lignée maternelle. Alors que la vie domestique sorganise autour des femmes, les hommes construisent, défrichent, cultivent, pratiquent la chasse et la pêche, élisent les délégués aux grands conseils, fabriquent des raquettes, des canots et des toboggans, sans oublier les armes. Car ils vont aussi à la guerre, quand la chose devient inévitable.
Plusieurs sites iroquoiens de lestuaire témoignent de la chasse au phoque et au beluga, notamment à lÎle Verte, à la hauteur du Saguenay, à lÎle-aux-Corneilles, en face de Kamouraska, et à Mingan, sur la Côte-Nord.
Dans la région de Québec, aucun des 12 villages décrits par Cartier na pu être identifié par les fouilles, pas même Stadaconé. Étonnant. Voilà un beau projet pour les Fêtes du 400e...
Entre Québec et Montréal, on a identifié des sites importants à Deschambault, Mandeville et Lanoraie. Pour ceux qui veulent pousser plus loin leur exploration, mentionnons que dans lÉtat de New York, autour de Watertown, on trouve pas moins de 50 sites de villages iroquoiens. Même sil sagit du plus important ensemble iroquoien, il demeure peu étudié...