• UN QUÉBEC EN PANNE DE SON HISTOIRE  ET DÉPOUILLÉ DE  SES RÊVES ! 
                                         UNE HISTOIRE QUI N'A PLUS LA COTE

    source : http://www.ismenetoussaint.ca/ArticleView.php?article_id=299

    «L'enseignement de l'histoire est déficient au collégial et aussi au secondaire » dénonce le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu. «La situation actuelle est inquiétante et nécessite une intervention d'urgence du gouvernement», renchérit le président de la fondation Lionel-Groulx, Claude Béland, qui souligne qu'une pétition circule actuellement sur ce sujet. Quand on étale de telles données sans se compromettre dans les considérants, on ne suggère pas de stimuler le débat à cet égard dans l’espoir de corriger une lacune désolante et de remettre l’histoire au programme. On impose plutôt une conclusion par induction et on sollicite l’adhésion de tous à ce constat sans prendre le temps de s’expliquer ! On décrète l’état d’urgence, on secoue l’épouvantail à moineaux et on suggère d’en appeler au Parlement qui est le coupable tout désigné.

    Où est le débat ?

    Des statistiques qui mériteraient d’être questionnées sévèrement

    Aujourd’hui, qui oserait contester ce fait criant, l’histoire n’a plus la cote dans nos écoles. Cela étant, où ce mal endémique prend-il ses premières racines ? À qui la faute ? Au gouvernement décadent de Jean Charest ? Au système d’éducation tout aussi décadent qui a comploté avec les différents gouvernements pour sortir l’histoire de ses programmes ? Aux cégeps auxquels on fait porter l’odieux d’être devenus des halls d’attente ? Ou à la paresse intellectuelle d’une jeunesse qui s’est dangereusement enfermée dans le présent ? Et vu que nous y sommes, dans cette dénonciation qui pointe du doigt uniquement les carences criantes du secondaire et du collégial, où sont les universités ? Après avoir vidé leur programme de ce qui faisait naguère leur force (les sciences humaines), pour se concentrer à la création de la richesse, ces maisons du haut savoir n’ont-elles rien à se reprocher ? Faut-il les soulager de toutes responsabilités parce que les cris qu’on entend sortent justement de ses murs ?

    Si vous voulez mon avis, 23% de cégépiens (toutes origines confondues !) qui s’initient aux valeurs de l’histoire tous azimuts, ce n’est quand même pas rien dans un Québec qui se multiculturalise dangereusement ; dans un Québec qui n’a de cesse de s’angliciser et qui, bêtement, laisse toute la place aux derniers arrivants qui apportent avec eux une mémoire qu’un odieux système d’éducation, au nom d’une fausse ouverture d’esprit, a entrepris d’inscrire dans son registre ! À mon point de vue, le problème n’est donc pas tant dans le nombre (relativement faible) des étudiants inscrits dans ce programme que dans la somme et la nature des efforts consentis de part et d’autre. Par voie de conséquence, une réplique viable à la décadence de la pensée historique chez nous ne peut se retrouver que dans la qualité d’une démarche académique authentiquement québécoise, dans la stimulation des esprits par ceux qui sont mandatés pour le faire, et dans la manière de redonner à l’Histoire avec un grand « H » toutes ses lettres de noblesse. Mon premier souci est, de fait, celui de l’excellence ! La qualité et l’authenticité y étant, les premiers intéressés sauront bien y trouver leur compte et les autres devront bien s’ajuster au passage.

    C’était le bon temps !

    Lorsque j’étais au cégep de Jonquière, en 1969 et 1970, la question ne se posait même pas. Ceux et celles qui voulaient faire un bout de carrière dans cette discipline à la mode, s’engageaient pour trois ans. C’était un passage obligé pour s’inscrire dans un programme de sciences humaines et pour poursuivre dans cette même voie à l’Université, jusqu’à l’obtention de son diplôme de Premier cycle Ès Lettres ou Ès Histoire. Nous avions des cours de politique, de sociologie, de géographie, de philosophie et, évidemment, d’histoire. On y allait ou on n’y allait pas ! Si on y allait, on en sortait enrichi par la grande porte de l’excellence. On arrivait grandi, nourri d’un idéal commun qui entretenait une fierté simple et collective pavant la voie au projet de société qui a meublé l’esprit de la Révolution tranquille et stimulé le débat nationaliste, de part et d’autre. Nous apprenions à revendiquer en même temps que nous apprenions à mesurer nos connaissances et soupeser les idées des autres dans le chaos du débat dont nous respections passablement bien les règles.

    C’était le bon temps et on ne le savait pas. Nous n’avions même pas besoin d’y penser. Les choses étaient selon ! Nos aptitudes et nos goûts pour l’histoire et les sciences humaines en général marquaient la voie. Si on y allait, le cégep, par la richesse de son programme, avait de quoi offrir. Il préparait les esprits pour l’université qui avait, pour double mission, de compléter leur formation et de les aider à s’épanouir par ce créneau. Les institutions supérieures d’enseignement avaient alors une préoccupation souveraine : l’éducation, point à la ligne. Elles n’étaient pas à vendre. Elles ne s’étaient pas fondues dans les projets de la haute finance internationale qui a fini par s’emparer des rouages institutionnels, des leviers économiques et de la destinée du Québec.

    La démarche des institutions d’enseignement supérieur s’inscrivait dans le souci de libérer l’histoire du Québec des tutelles idéologiques archaïques qui lui bloquaient l’accès à la modernité. Elles formaient les esprits simples qui, à leur tour, meublaient l’esprit de la nation, et elles les invitaient à construire, par leur questionnement et leurs apprentissages, la société de demain.

    Un Québec malade de son histoire, de ses institutions et de ses élites

    En ce temps-là, les universités québécoises, par la qualité et la richesse de leur programme, stimulaient les besoins et les appétits de l’ensemble du réseau scolaire, de la première année à la fin du collégial. À ce titre, l’université représentait aux yeux de tous un indéniable attrait, l’ultime rendez-vous des intellectuels en devenir. En ce temps-là, la mémoire portait un sens qui allait dans celui de la nation québécoise qui se vantait, à juste titre, d’être d’abord et avant tout Canadienne française et surtout pas multiculturelle. Les arrivants prenaient le temps de dire bonjour avant de s’installer à demeure. Ils prenaient plaisir à noter les us, les coutumes et l’histoire de leurs hôtes. Ils apprenaient bien le français et ils acceptaient de faire l’effort de s’adapter, comme il se doit, à la société d’accueil. Les peuples fondateurs, Canadiens français, Métis et Indiens pour les bien nommer, leur faisaient de la place, et la suite de l’histoire du Québec s’écrivait d’elle-même, en français s’il vous plait, grâce aux efforts et dans le respect de tous.

    Au fil des années, les cégeps et les universités ont abandonné leur humanisme et la mission pour laquelle ils ont été créés. Ce que nous vivons et déplorons aujourd’hui à ce titre, c’est le fruit d’une longue et lancinante dérive à laquelle nous nous sommes collectivement soumis. Au lieu d’écrire l’Histoire comme le font tous les peuples en marche, nous la subissons et diminuons de pair tous ses attraits et nous nous abandonnons à l’idée que les autres se font de nous.

    De fait, qu’on me permette de dire encore que si les choses ont changé pour le pire dans cette histoire décadente, que si le peuple a perdu l’amour et l’intérêt de son histoire, on le doit aussi, et un peu beaucoup, aux élites Canadiennes françaises les plus en vue, chercheurs et professeurs d’histoire en tête qui, aux premiers lendemains de l’effondrement référendaire de 1995, ont lâché leur propre peuple dans les latrines de son histoire sans se soucier de ce qui allait advenir de lui dans le salmigondis d’un multiculturalisme dénaturant. D’un multiculturalisme version québécoise qu’ils (les élites) se sont appliqué à redéfinir dans les conclusions d’une commission nationale sur les « Accommodements raisonnables » où il a été officiellement reconnu que le simple fait de s’afficher comme membre du peuple fondateur de ce pays en devenir était désormais perçu comme une honte et une infamie. Avec un tel gâchis, faut-il se surprendre aujourd’hui du fait que les trois quarts des cégeps n’aient plus rien à offrir en histoire à leur clientèle et de savoir que la majorité des collégiens « ne possèdent pas les connaissances minimales sur leur propre société » ?

    À cet égard, je suis de plus en plus porté à penser que si le Québec a fini par perdre l’intérêt de son histoire, c’est qu’il en a perdu le fil et le goût et qu’il ne s’y retrouve plus. Et s’il ne s’y retrouve plus, c’est qu’on l’a dépouillé de son sens sans tenir compte de la nature profonde de ses rêves et sans le respecter pour ce qu’il est. À l’origine, je m’en souviens, nous étions liés par une langue, une culture, une fierté et un rêve communs dans lesquels tous les Canadiens français se retrouvaient en première ligne. Aujourd’hui, ce lieu commun n’existe plus et l’intérêt pour notre histoire nationale est parti comme les feuilles de nos érables à l’automne prenant. Il s’est perdu dans les petites ambitions des élites, des institutions et des opportunistes qui ont été bien loin de se soucier du fait qu’ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis et que, eux aussi, auraient un jour à faire face aux rigueurs de l’hiver intellectuel qu’ils préparaient…

    Akakia (Les Délires d'Akakia, 25 novembre 2010, http://akakia.blogspot.com)


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  • source article : http://www.ledevoir.com/politique/canada/311480/des-autochtones-pourraient-retrouver-leur-statut-d-indiens

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     À ce jour, un enfant né du mariage d’une femme autochtone et d’un homme non autochtone a toujours un statut métissé, et ses enfants ne sont pas admissibles au statut d’Indien, s’ils épousent eux-mêmes une personne non inscrite.
     

    Quelques dizaines de milliers d'autochtones devraient bientôt retrouver leur statut d'Indiens inscrits au Canada. Ce sont les petits-enfants des nombreuses femmes autochtones qui ont épousé des non-inscrits dans le passé, et dont les enfants n'ont par conséquent eu qu'un statut métissé, ou de «6-2», comme on les appelle officiellement.

    Dans les prochains jours, à la Chambre des communes, le gouvernement canadien devrait en effet se pencher, en troisième lecture, sur une modification à la Loi sur les Indiens qui tenterait, de nouveau, d'éliminer cette discrimination historique envers les femmes autochtones, qui fait en sorte que les petits-enfants des femmes autochtones ayant épousé un non-inscrit n'ont plus de statut.

    Cette modification ne réglera pas tout, loin de là. En 2008, la cinéaste Tracey Deer présentait un film troublant, Club Native, sur des femmes amérindiennes qui ne sont plus les bienvenues dans la réserve mohawk de Kahnawake, près de Montréal, parce que leur conjoint n'est pas un membre reconnu de la réserve.

    En dépit des modifications à venir à la Loi sur les Indiens, les réserves ont acquis le droit de définir qui peut ou non rester membre d'une réserve, et, par la même occasion, bénéficier des services du conseil de bande. À Kahnawake, où le code d'appartenance est particulièrement exigeant, on demande que les membres de la bande comptent au moins quatre arrière-grands-parents autochtones. Or, lorsqu'il s'agit d'être membre d'une réserve, ces codes d'appartenance ont préséance sur les critères d'admissibilité au statut d'Indien établi par la Loi sur les Indiens.

    «Cela est d'ailleurs légal», commente Ellen Gabriel, ex-présidente de Femmes autochtones du Québec, qui a été remplacée la semaine dernière par la nouvelle présidente élue, Michèle Audette. Loin de défendre les conseils de bande dans ces pratiques, Ellen Gabriel croit cependant que c'est la Loi sur les Indiens qui a soufflé cette pratique discriminatoire aux réserves. À ce jour, un enfant né du mariage d'une femme autochtone et d'un homme non autochtone est toujours considéré comme un «6-2», et ses enfants ne sont pas admissibles au statut d'Indien, s'ils épousent eux-mêmes une personne non inscrite.

    «Il y a une question de financement derrière cette approche, commente Ellen Gabriel, c'est une question d'économie». «En 1985, la Loi sur les Indiens a été modifiée pour éliminer une première discrimination envers les femmes autochtones, qui avaient leur statut après s'être mariées avec un non-autochtone. Les conseils de bande se sont retrouvés avec plus de membres, mais il n'y a pas eu plus de fonds pour autant.»

    Pour Femmes autochtones du Québec, il est inconcevable, d'une façon ou d'une autre, que ce soit le gouvernement fédéral qui détermine qui est autochtone et qui ne l'est pas.

    «6-1, 6-2, vous ne trouvez pas que ça sonne comme des pedigrees d'animaux?», demande Ellen Gabriel.

    La modification à la Loi sur les Indiens qui doit passer d'un jour à l'autre à Ottawa est en fait issue d'un jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans la cause portée à son attention par Sharon McIvor, de Merritt, en Colombie-Britannique.

    Les grands-mères de Mme McIvor étaient toutes deux autochtones, mais leurs maris n'étaient pas des Indiens inscrits. Après les modifications de 1985, Mme McIvor a obtenu son statut d'autochtone en vertu de la Loi sur les Indiens, mais a découvert que ses enfants n'avaient pas droit au statut, alors que ceux de son frère y avaient droit. En 1987, alors qu'elle est étudiante en droit, elle porte la cause devant les tribunaux, qui ont mis des années à lui rendre justice. En 2007, la juge Carol Ross, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique statuait que «les ancêtres d'une femme sont incomplets ou moins Indiens que ceux de leurs contemporains masculins. Cela sous-entend que la lignée de cette personne est inférieure».

    C'est ce jugement qui a forcé le gouvernement canadien à faire les modifications à la Loi sur les Indiens que l'on attend aujourd'hui. Sharon McIvor est maintenant grand-mère et a bien entamé la soixantaine. Vivra-t-elle assez longtemps pour se battre pour le statut de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, qui seront à leur tour menacés de perdre leur identité?


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  • source : http://www.ledevoir.com/politique/canada/311372/declaration-des-peuples-autochtones-ottawa-signe-en-catimini-mais-conserve-ses-reserves

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    20 novembre 2010

    Pour les Amérindiens, la signature ne vient pas régler les problèmes.
    Après trois ans de résistance, Ottawa a finalement ravalé ses critiques et annoncé vendredi dernier qu'il appuie la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Une volte-face énoncée discrètement, et avec un maximum de précautions. Les Premières Nations applaudissent, mais préviennent aussi: ce n'est qu'un premier pas.

    Ottawa — Rien n'a changé dans le texte. Même libellé, mêmes principes. Ratifiée par 143 pays en septembre 2007, la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones (DDPA) est aujourd'hui telle qu'elle était alors. Seule différence majeure: le texte rejeté par le Canada il y a trois ans est maintenant devenu acceptable pour Ottawa.

    C'est ainsi que le gouvernement conservateur a silencieusement annoncé le 12 novembre son appui formel à la Déclaration de l'ONU. Ce faisant, Ottawa concrétisait une promesse du dernier discours du Trône. Mais surtout, il coupait court aux critiques de nombreux organismes et des Premières Nations, qui militaient pour que le Canada ratifie un texte dont il a été l'un des instigateurs et des plus ardents promoteurs... avant de lui tourner le dos au moment crucial.

    La Déclaration décrit les droits individuels et collectifs des peuples autochtones et traite de nombreuses questions, comme la culture, l'identité, la santé, la langue et l'éducation. Elle énonce plus de 40 principes qui visent à favoriser des relations harmonieuses entre les peuples autochtones et les États: égalité, partenariat, bonne foi et respect mutuel sont au chapitre des objectifs.

    Sur le fond, le Canada a toujours été d'accord avec les principes de la Déclaration. Mais le texte soulevait de nombreuses inquiétudes. Dispositions sur les terres et les ressources, autonomie gouvernementale, propriété intellectuelle, équilibre entre les droits et les obligations des peuples autochtones, la liste des points d'achoppement était longue. Encore en 2008, le gouvernement affirmait que plusieurs dispositions de la Déclaration étaient «trop générales et vagues et prêtaient à l'interprétation».

    Préoccupations

    Or ces craintes demeurent toujours présentes aux yeux du gouvernement, qui les rappelle d'ailleurs dans le document d'information distribué la semaine dernière. Mais Ottawa dit «avoir écouté les leaders autochtones» et «tiré des leçons de l'expérience d'autres pays» pour justifier son appui à un texte dont il dénonçait les contours. «À l'issue d'un examen minutieux et réfléchi, le Canada a conclu qu'il était préférable d'appuyer la Déclaration tout en expliquant ses préoccupations, plutôt que de simplement rejeter tout le document», mentionne-t-on.

    Entre les lignes, on comprend aussi que le gouvernement canadien est aujourd'hui convaincu que la DDPA est d'abord et avant tout symbolique. Là où on craignait que certains droits énoncés dans la Déclaration ne viennent bouleverser le cadre juridique canadien et la Constitution, on note aujourd'hui que «la Déclaration n'est pas juridiquement contraignante, ne constitue pas une expression du droit international coutumier et ne modifie pas les lois canadiennes». Une façon de dire que l'appui est avant tout moral.

    Mais l'Assemblée des Premières Nations (APN) diverge d'opinion à cet égard. Selon Ghislain Picard, qui a piloté le dossier pour l'APN, «la Déclaration fait maintenant partie du contexte canadien», et aussi du droit coutumier international. «Je trouve un peu ironique d'entendre le gouvernement dire que la Déclaration doit s'inscrire dans le cadre juridique canadien. À notre sens, c'est l'inverse: c'est la Loi sur les Indiens qui devrait être réformée pour respecter la Déclaration.»

    Il cite l'article 3 de la Déclaration, où l'on mentionne que les «peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination» et qu'ils peuvent déterminer «librement leur statut politique». «Il y a là un lien direct avec notre situation et avec la Loi sur les Indiens», dit-il.

    Cela dit, l'APN a applaudi au geste d'Ottawa. «C'est un tournant important dans nos relations», s'est réjoui le chef national, Shawn Atleo. Mais il a prévenu du même souffle que «c'est maintenant que le véritable travail commence». En soi, «cette démarche ne répond pas à nos besoins urgents, dit-il. Mais elle indique que le Canada est à l'écoute et est prêt à travailler avec nous pour réaliser la réconciliation demandée par les tribunaux canadiens».

    Appui timide


    Pour Sébastien Grammond, doyen de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et spécialiste du droit autochtone, l'appui du Canada à la Déclaration est toutefois bien timide. La discrétion de l'annonce (un simple communiqué envoyé un vendredi) s'explique selon lui par le fait «qu'un gouvernement n'est jamais fier d'être obligé de dire qu'il a eu tort».

    Plus important, il note les nombreuses réserves exprimées par Ottawa quant à la portée réelle de la DDPA. «En rappelant que ce n'est pas contraignant, le gouvernement vient dire: "On l'appuie, mais ne l'invoquez pas contre nous. N'y voyez pas un énoncé de droits à réclamer. Et ne pensez pas que ça change le droit international coutumier."»

    Pourtant, souligne-t-il, les résolutions de l'ONU constituent souvent la preuve de l'existence d'une coutume à l'échelle internationale. «En disant tout de suite que ça ne constitue pas un énoncé de coutume, le gouvernement canadien veut se prémunir contre ce genre de revendications», observe M. Grammond. Ce qui lui fait dire que l'appui d'Ottawa au document est surtout symbolique. «On met tellement de réserves pour s'assurer qu'au bout du compte ça n'a aucun impact et que ça ne puisse être appliqué au Canada», dit-il.

    Droits individuels et droits collectifs

    Sur le fond, Sébastien Grammond juge que la Déclaration «ne va pas énormément au-delà de ce qu'on fait déjà au Canada». À cette différence majeure près évoquée par Ghislain Picard: la question de l'autonomie gouvernementale — longtemps revendiquée par les autochtones canadiens. «Depuis des années, les initiatives du gouvernement envers les Premières Nations sont toutes axées sur les droits individuels, alors que la Déclaration parle de droits collectifs. C'est assez important comme différence d'approche.»

    Le sociologue Jean-Jacques Simard, expert de la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones, note le même choc d'orientation entre la DDPA et les actions du gouvernement canadien. «Il y a vraiment une contradiction de la philosophie juridique, dit-il. C'est assez fondamental à mon sens. La Déclaration parle dans son titre même des "peuples", c'est sa base. Au Canada, l'approche historique est différente. Je crois que la notion que les droits sont attachés à des collectivités plutôt qu'à des personnes explique en partie la réticence du gouvernement à signer le document.»

    M. Simard estime que «ça va mettre certains grains de sable dans l'engrenage». Mais comme «plusieurs dispositions sont déjà largement pratiquées et admises au Canada», il ne croit pas que cela va bouleverser en profondeur le rapport de force entre les autochtones canadiens et le gouvernement.

    N'empêche: pour Ottawa, c'est là «une étape notable dans le renforcement des relations avec les peuples autochtones», et le geste permet officiellement de «réitérer la volonté de continuer à travailler de concert avec les peuples autochtones».

    Toute réserve mise à part, l'APN se dit aussi heureuse de «pouvoir maintenant aller de l'avant pour traiter l'ensemble des problèmes à régler». Les excuses du gouvernement en 2008 pour les mauvais traitements infligés aux autochtones dans les pensionnats pour Amérindiens ont été, selon Shawn Atleo, «un moment crucial dans la reconnaissance des douleurs du passé». L'adoption de la Déclaration est au contraire «l'occasion de regarder en avant et de reprendre à neuf les relations entre les Premières Nations et l'État».

    Le travail ne manquera pas: il y a deux semaines à peine, le Toronto Star illustrait à sa une l'étendue des problèmes: taux de suicide effarant (38 % des décès chez les 10-19 ans), quelque 27 000 enfants autochtones placés en famille d'accueil à travers le pays, pas d'accès à une eau potable pour 117 communautés... Un rappel que le «Tiers-Monde de l'intérieur» canadien est toujours bien présent.

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