• Le gardien de la paix (mythes)

     

    Il y a plusieurs siècles, les nations iroquoises se sont unies pour établir une paix durable. Encore aujourd'hui, la légende du Gardien de la paix leur rappelle la source profonde de cette alliance.

     

    Il est dit qu'à un endroit dans " la terre des langues tordues " (qui aujourd'hui correspond à l'est de l'Ontario), une vieille femme a vu en rêve un envoyé du Grand Esprit.

    " Ta fille enfantera, lui déclara l'envoyé, et l'enfant s'appellera Tekanawite, le Gardien de la paix. Adulte, il quittera sa demeure pour propager un message de paix parmi les nations. "

     

    Jeune garçon, Tekanawite eut la révélation du Message de la paix qui lui fit connaître sa mission. Il grandit et devint un bel homme robuste, intègre et honnête. Pourtant, Tekanawite n'avait pas l'estime de son peuple, car il attachait plus d'importance à la paix qu'à la guerre.

     

    Un jour, Tekanawite appela sa grand-mère et sa mère auprès de lui et leur parla en ces termes :

    " Je vais construire un canot, car l'heure est venue d'accomplir ma mission et de mettre fin aux effusions de sang parmi le peuple. "

    Tekanawite se fabriqua un canot de pierre et non d'écorce. Lorsqu'il l'eut fini, il expliqua à sa grand-mère :

    " Mon canot de pierre flottera, et ce sera le signe que je porte la vérité. "

     

    On raconte qu'après que Tekanawite se fut installé dans le canot, l'embarcation se mit à voguer toute seule vers Sganyadaii-yo, le Grand Lac de Beauté (aujourd'hui appelé le lac Ontario), puis vira vers le sud, en direction de la terre du peuple de la Maison Longue.

     

    A cette époque, l'état de guerre était perpétuel. Entraînées par leurs chefs, les cinq nations iroquoises, que l'on dénomme aujourd'hui les Mohawks, les Onondagas, les Onéidas, les Cayugas et les Sénécas, s'enlisaient dans le cycle infernal de luttes et de représailles.

     

    Dans tous les villages, la valeur des hommes se mesurait selon les mêmes critères : on glorifiait leur bravoure et leur habileté au combat, on exaltait leurs exploits téméraires et on les félicitait pour les dépouilles qu'ils ramenaient de leurs incursions de pillage. Cependant, ces raids tissaient une chaîne de carnages et de revanches haineuses entre les villages. La méfiance et la peur obnubilaient les esprits. Chaque jour apportait son lot d'angoisses et de souffrances.

     

    A ce qu'on dit, la guerre entre les cinq nations battait son plein lorsque Tekanawite arrêta dans chacun des villages pour répandre le message de la Maison Longue, la Loi de la Grande Paix et le Pouvoir du Bon Esprit.

     

    " Que le peuple vive dans l'amour, disait-il. Nous sommes tous des enfants du Grand Esprit, nous sommes frères et soeurs. Renoncez à la vengeance, extirpez-la de vos esprits. Vivons en paix. "

     

    Les habitants l'écoutèrent et furent impressionnés, car, au fond de leur coeur, ils étaient las des tueries. Ils désiraient ardemment cultiver leurs champs de maïs et de courges sans craindre les pillards. Ils accueillirent donc favorablement la proposition de Tekanawite qui prônait une alliance permanente entre les nations.

     

    Bien entendu, le message de paix de Tekanawite ne parvint pas à rallier tout le monde : pour certains, la guerre était devenue indispensable. L'un d'eux était le vieux Atotárho, un sorcier des Onondagas.

     

    Plusieurs racontent qu'Atotárho avait le corps aussi noueux que l'esprit retors, et que sa chevelure n'était qu'un grouillement de serpents. Sa seule vue glaçait les sens, et le son de sa voix suffisait à semer la terreur sur tout le territoire onondaga.

     

    Ai:ionwatha était un Mohawk qui vivait parmi les Onondagas. Las des dissensions acerbes au sein de son peuple, il tenta d'instaurer un conseil de paix. Mais cette initiative le plaça directement en travers des visées belliqueuses d'Atotárho ; celui-ci recourut à la sorcellerie pour tuer les trois filles d'Ai:ionwatha et força ce dernier à s'exiler.

     

    Repoussé de tous, Ai:ionwatha trouva refuge dans la forêt. Un jour, tandis qu'il était assis au bord d'un ruisseau, Ai:ionwatha leva les yeux et vit Tekanawite.

     

    " Mon frère, dit Tekanawite, je constate qu'un profond chagrin t'accable ; tu est chef parmi les tiens et, pourtant, tu es sans abri. "

     

    Lorsque Ai:ionwatha eut fini de lui raconter sa triste histoire, Tekanawite commença sa mission de paix en apaisant sa douleur. Les douces condoléances qu'offrit le Gardien de la paix asséchèrent les larmes d'Ai:ionwatha, dégagèrent ses oreilles et allégèrent sa respiration : la peine qui habitait le Mohawk s'évanouit sur-le-champ.

     

    " Maintenant, reprends-toi, lui dit Tekanawite. Tu es prêt à joindre tes efforts aux miens afin que ma mission s'accomplisse : allons répandre le message d'entente parmi les peuples des cinq nations. "

     

    Dès lors, les deux hommes voyagèrent ensemble et se firent les hérauts de la Loi de la grande paix auprès des nations iroquoises. Les Mohawks, les Onéidas, les Cayugas et les Sénécas entendirent le message et formèrent la Confédération. Les Onondagas s'y joignirent aussi, tous sauf Atotárho, le puissant sorcier.

     

    " Il faut que nous combattions le mal qui dévore Atotárho, déclara Tekanawite. Lui seul nous empêche d'avancer. Il a l'esprit retors et le corps noué en sept endroits. Pour la survie de la Confédération, nous devons redresser et guérir Atotárho de ces torts. "

     

    " Toi et moi, nous irons visiter le grand magicien Atotárho. Je chanterai le Chant de la paix et tu prononceras les paroles de la Loi. Ensuite, tu retireras les serpents de sa chevelure, et je dénouerai son corps. "

     

    " Que sont ces propos insensés ? " s'emporta Atotárho lorsque Tekanawite et Ai:ionwatha se mirent à lui chanter le Chant de la paix et à énoncer les paroles de la Grande Loi de la Maison Longue.

     

    " Nous sommes porteurs d'une lumière nouvelle, déclara Tekanawite. Nos paroles annoncent une nouvelle vie pour les nôtres. Nos paroles s'adressent à ceux qui souhaitent élever leur famille dans la paix et l'harmonie. L'ordre règne lorsque le peuple est animé du désir de justice ; la santé est florissante lorsque la raison prévaut ; la puissance habite le peuple qui embrasse la Grande Loi de la Maison Longue. "

     

    " En quoi cela me concerne-t-il ? " demanda Atotárho.

     

    " Toi, Atotárho, répondit Tekanawite, tu seras le gardien du feu de la Ligue des cinq nations. Tu attiseras le feu du Conseil, le feu qui ne s'éteint jamais. La fumée du feu atteindra le firmament, et tous la verront. "

     

    A ce moment - comme le dit son nom " Celui-qui-peigne-les-cheveux " -, Ai:ionwatha démêla les serpents de la chevelure du sorcier, et Tekanawite redressa son corps d'une simple imposition des mains.

     

    " Atotárho, annonça Tekanawite, tu présideras le Grand Conseil et tu feras tout en ton pouvoir pour faire triompher la raison et la paix. Ta voix sera celle de la Grande Loi. " Dès que Tekanawite prononça ces mots, l'esprit d'Atotárho se purifia.

     

    Tekanawite choisit le pin comme symbole de la Ligue des cinq nations. Il planta un jeune pin, le laissa croître puis le déterra. A la place des racines, il y avait un énorme trou béant au fond duquel bouillonnaient les eaux d'un torrent souterrain. Les guerriers y précipitèrent leurs tomahawks et leurs massues de guerre et, tous ensemble, ils redressèrent l'arbre couché et l'enracinèrent solidement dans le sol des Onondagas, la terre d'élection du Feu du Grand Conseil.

     

    A l'ombre de l'Arbre de la paix siégeaient Atotárho et ses chefs, gardiens de la Grande Paix. Les puissantes racines de l'arbre s'étendaient aux quatre points cardinaux. Toute nation souhaitant se joindre à la Ligue n'avait qu'à remonter ces racines jusqu'au tronc pour bénéficier de l'ombre bienfaisante du pin protecteur. Au faîte, Tekanawite avait posté l'Aigle-à-la-vue-perçante qui sonnait l'alerte à l'approche d'un danger.

     

    " Nous allons unir nos destinées, déclara Tekanawite. Tenons-nous la main si fermement, formons un cercle si parfait que même la chute d'un arbre ne parviendra pas à l'ébranler ni à le rompre. Ainsi, notre peuple et les enfants de nos enfants s'épanouiront en notre sein, dans la paix, la sécurité et la joie. "

     

    La ligue iroquoise s'est perpétuée durant plus de 1 500 ans. En 1713, les Tuscaroras s'unirent aux cinq nations pour former l'actuelle Confédération des six nations. La Grande Paix fut conclue par toutes les nations autochtones d'Amérique du Nord.

     

    Extrait du Courrier du patrimoine / The Heritage Post, Numéro 6.

    Écrit en consultation avec Michael Doxtater de la nation des Mohawks.

    http://perso.wanadoo.fr/yanu/HTML/mythes4.htm

     

     


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