-
Québec se trompe de cible dans sa lutte contre les algues bleues
Le plan de lutte contre les algues bleues lancé par le gouvernement du Québec aujourdhui, prévoit 12 millions pour contrer la propagation des cyanobactéries dans nos lacs et rivières. Dix millions iront aux municipalités qui luttent contre ce fléau afin quelles se dotent déquipement de traitement des eaux. Autrement dit, Québec sattend à ce que le phénomène perdure et prenne de lampleur. Les municipalités touchées doivent donc séquiper pour traiter ces eaux impropres et les rendre potables à la consommation. On ne parle en rien de lutte à la source, aux causes de cette prolifération. Line Beauchamp, ministre de lEnvironnement, a affirmé que dès cet été les laboratoires du ministère vont tripler leur capacité à analyser les échantillons deau potentiellement contaminées aux cyanobactéries pour remettre les résultats en 48 heures. Cest bien, mais lorsque leau est dun bleu phosphorescent dans votre lac, avec une analyse ou pas, sachez quil est en processus deutrophisation ou de dégénérescence.
Ce sont les municipalités qui devaient payer pour ces analyses jusquà présent, mais, désormais, ce sera le ministère qui paiera pour ce travail. Coût, à peu près un million puisquil ne reste quun million de dollars pour tous les organismes qui travaillent dans le domaine de la gestion des bassins versants et de lenvironnement et qui luttent contre la prolifération de cyanobactéries dans leur région respective. Ce million sera dépensé comment par ces organismes? Pas trop de précision, certains dépenseront les sommes de manière responsable et dautres de manière inadéquates, cest plutôt un million pour se donner bonne conscience. Pour ma part, je ne trouve rien dintéressant jusquà présent dans ce plan de lutte jusqu'à présent.
Là où on parle sérieusement, cest lorsque la ministre sattaque à la source du problème et annonce un projet de reboisement des rives. Dès cette année, plantation de 120 000 arbres et arbustes. Quoi? Seulement ça? Puis, pour les deux années suivantes, un million darbres annuellement. Lorsquon sait que la prolifération des algues bleues dans nos cours deau et lacs est provoquée par la déforestation et le déboisement des rives, voilà une mesure qui peut faire la différence si elle devait être multipliée par cent. Bravo quand même sur ce point. Mais cest vraiment là quil aurait fallu en faire davantage. Cest là quil aurait fallu légiférer pour forcer les propriétaires de chalets qui déboisent leur bord de lac et déversent leur fosse sceptique à agir. La ministre a prévu des campagnes ainsi que des outils de sensibilisation, mais ça ne sert à rien. Cest de largent jeté par les fenêtres. Les propriétaires de terrains qui bordent un cours deau ne reboiseront pas, pour la plupart, leur terrain. Ils veulent une vue dégagée sur leur lac ou rivière et faire semblant de ne pas savoir que leur fosse sceptique nest pas aux normes. Trop cher. Cest là que largent devrait aller. Mettre à jour les fosses sceptiques et reboiser, de force sil le faut, les berges des cours deau les plus sensibles. Il ne faut surtout pas compter sur les propriétaires riverains. Souvent des riches, assez gâtés par la vie et qui nen ont rien à faire des cyanobactéries. Que la classe moyenne paie pour désinfecter les cours deau et les lacs!
Annuellement cétait trente lacs et cours deau qui étaient contaminés. À lété 2006 ce fut 70 plans deau affectés. Rien nindique que la tendance soit à la baisse. La Sécurité publique approvisionnera en eau potable les villes dont la source est touchée et dont le réseau daqueducs est contaminé. Un citoyen qui boit une eau contaminé par les algues bleues subira des vomissements, troubles intestinaux, fièvre et céphalée. Toute activité de baignade, pêche et autre sur un plan deau pollué par cette algue est proscrite.
Ce qui cause la prolifération des algues bleues, ou cyanobactéries, est lutilisation exponentielle de fertilisants sur les terres de bassins versants, et, surtout, les fosses sceptiques qui déversent leurs eaux usées dans les plans deau. Certaines propriétés nont même pas un tel dispositif et déversent carrément leurs eaux usées dans le cours deau attenant. Ce qui fait que si vous nagez dans un tel plan deau, vous nagez dans une fosse sceptique à ciel ouvert. Il ne faut pas sétonner de la prolifération des algues bleues dans un tel contexte. Les Québécois se disent champion en matière de lutte pour sauver lenvironnement, mais dans les faits, ce sont de satanés cochons. Il sagit là dune attitude collective assez hypocrite mais bien réelle. Le plan actuel de lutte contre les cyanobactéries répond à cette même logique. Se donner bonne conscience, mais ne pas faire grand-chose dans les faits. La ministre Beauchamp a bien annoncé linstauration dune Charte des lacs que le plus grand nombre de citoyens possible sera amené à signer. Jean Charest et la ministre Beauchamp furent les premiers à la signer dailleurs. À part ramasser des signatures, les gens vont agir comme dhabitude : avec négligence. Les municipalités se doteront déquipements pour filtrer les eaux contaminées. Cest bien là que le gros du budget de 12 millions va de toute façon. Comme si notre bon gouvernement minoritaire acceptait déjà la défaite et sapprêtait à payer pour un nombre croissant de municipalités aux plans deau contaminés. Dailleurs le gouvernement a été très clair sur ce point, il nentend pas adopter une loi contraignante visant à sauvegarder les lacs des algues bleues. Ce serait bien trop pénible et handicapant pour tous ces riches propriétaires de terrains sur le bord des lacs. Non, cest aux municipalités de faire ce job sale dadopter des règlements en matière de propriétés riveraines. Autant de municipalités que de façons de faire. Je vous le dit, ce nest pas demain la veille quun tel plan va faire diminuer la prolifération des algues bleues au Québec.
Pour vanter les mérites de leur plan, on a rappelé aux médias quun plan de lutte contre les algues bleues a été mis en place il y a quatre ans dans la baie Mississiquoi. Ce merveilleux plan a permis de réduire la présence des algues bleues de 50%. Wow ! La baie était rendue si polluée quelle était verte foncée voire bleue. Maintenant elle est vert pâle. On ne peut pas sy baigner davantage ni consommer le poisson quon y pêche, mais elle est à 50% moins pire. Des arbres et arbustes sont plantés sur les rives, mais les terres agricoles avoisinantes sont toujours fertilisées et bien des chalets déversent leurs eaux usées directement dans la baie. Vous devriez voir les cours deau qui se déversent là-dedans. Ça ne ressemble pas à de leau mais à du lait au chocolat, du thé vert ou un liquide radioactif. La baie est peu profonde et leau relativement stagnante. Dans le fond de cette partie du lac Champlain, il y a une bonne couche de sédiments qui viennent du lessivage des terres environnantes et des eaux usées des chalets. Cest un plan deau mourant. La baie Mississiquoi est un futur marais nauséabond à moyen terme malgré le plan actuel qui nenglobe pas assez toutes les causes de ce fléau.
Cest au gouvernement de Québec détablir un plan provincial puisque le problème concerne toute la province et pas seulement quelques municipalités. Les lacs du Québec sont de vieux lacs en processus, pour la plupart, deutrophisation. Tout ce que lon peut faire cest ralentir le processus et au lieu de cela on laccélère à bien des endroits. Le plan doit sattaquer à plusieurs secteurs. Par exemple :
- Légiférer et financer le reboisement des limites des terres agricoles sur les bassins versants.
- Obliger les propriétaires de maisons riveraines et de chalets à mettre aux normes leur fosse sceptique ou à en construire une.
- Financer le reboisement des propriétés riveraines et légiférer pour que jamais elles ne déboisent pour avoir une belle vue ou pour faire une bordure de lac bétonnée. Faire chèrement payer les délinquants.
- Interdire tout déboisement aux abords dun cours deau ou dun lac pour des raisons agricoles ou de villégiatures.
Si ces quatre mesures étaient mises en place, on commencerait vraiment à sattaquer au problème. Ça ne semble pas être demain la veille. Tout ce que Québec semble faire, cest accepter le problème et mettre à jour les installations de traitement des eaux municipales pour filtrer de telles eaux. Je ne dis pas que cest mal de le faire, bien au contraire, mais on ne sattaque pas vraiment à la source du problème ou si peu que ça en est presque symbolique plus quautre chose. Et, 12 millions pour lensemble du Québec, cest très peu. Une telle somme peut servir à décontaminer un plan deau pour un temps, sans plus, alors une province entière... Québec se trompe de cible dans son plan de lutte contre la prolifération des algues bleues. Elle sattaque aux infrastructures municipales qui sont inadéquates pour traiter de telles eaux et va planter quelques arbres pour la forme. Cest pourtant dans le reboisement des berges, de véritables filtres à fosses sceptiques inadéquates est lessivages de champs, que se cache la véritable solution à la prolifération des algues bleues.
Pour plus dinformations, lire ce compte rendu de livre sur les lacs du Québec : http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/7665
Un exemple à appliquer à la grandeur de la province par une loi si nécessaire : http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/9222
Estrie et Montérégie, cours deau contaminés et lagriculture pointée du doigt : http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/8137
Le lac Saint-Charles, réservoir deau de la ville de Québec va recevoir un traitement de choc : http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/9491
Coalition Eau Secours demande une loi cadre pour la protection de nos cours deau : http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/10345 et le plan actuel de Québec est loin dy répondre. En passant, la photo ci-haut est tirée de leur site : http://www.eausecours.org
-
Commentaires