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Arrachés à leur communauté et envoyés dans un pensionnat
Arrachés à leur communauté et envoyés dans un pensionnat
Deux Atikamekw racontent leur histoire
Geneviève Blais
le 1 juillet 2008 à 10:16
Aline Dubé et son garçon, Yannick, provenant de Manawan, ont séjourné à Pointe-Bleue. Photo Geneviève BlaisIls sont Atikamekw. À ladolescence, ils ont été forcés à quitter leur famille, leurs amis et leur communauté pour se rendre au pensionnat de Pointe-Bleue. Ce drame, plusieurs autochtones de Manawan lont vécu. Cest le cas dAline Dubé et de son fils, Yannick.«Cétait dur. On se cachait pour ne pas prendre lautobus. On était jeune et on ne voulait pas aller là. Quand je suis arrivée là-bas, jai eu beaucoup de peine», se rappelle Mme Dubé.
Âgée de 14 ans, elle a pris le chemin du Lac-Saint-Jean et y est restée pendant cinq ans, de 1964 à 1969. Pendant cette période, elle est retournée une seule fois chez elle, à Manawan.
Les sorties étaient très rares. «Parfois, nous avions des activités à Alma ou à Arvida, mais ça narrivait pas souvent. Habituellement, nous avions deux heures de libre le dimanche après-midi. Le reste du temps, il fallait rester là», a soutenu Aline.
Yannick a séjourné un an au pensionnat. Il se souvient lui aussi des restrictions. «Cétait difficile. De septembre à décembre, toutes les fois que je sortais dehors, je voulais prendre la fuite et retourner chez moi. Il ny avait pas de barrière, mais on savait quil ne fallait pas dépasser les limites du pensionnat», a-t-il mentionné.
Bien quils naient pas été victimes dagression physique ou sexuelle, les deux Atikamekw se rappellent très bien des punitions qui pouvaient être très sévères.
«On était puni pour rien. Une fois, je suis restée à genoux, les bras dans les airs, dans une salle de douche pour les filles. La religieuse mavait oubliée là durant la nuit. Quand elle est arrivée, javais les genoux écorchés. Elle ma aidée à me relever et sest excusée», a souligné Aline.
Son garçon, quant à lui, avoue avoir copié le dictionnaire jusquà la lettre «M». Dautres sanctions étaient ordonnées. Par exemple, il pouvait être interdit de communiquer avec les gens dans le pensionnat, de sortir ou même de prendre un repas.
«Certains vivaient de la violence, mais ce nétait pas au grand jour. Cétait caché», a expliqué Yannick.
À leur arrivée dans létablissement, les pensionnaires étaient recouverts de produit contre les poux et recevaient un numéro. Dans certains endroits, les gens étaient appelés par leur numéro. Dans dautres, comme à Pointe-Bleue, les jeunes pouvaient garder leur nom. Les autorités se réservaient toutefois le droit de changer le prénom sil avait une consonance autochtone.
Les liens avec la famille étaient réduits. Le téléphone était peu accessible et les lettres étaient vérifiées avant lenvoi. «Nous écrivions, mais nous ne savions pas si nos familles avaient reçu notre message», a souligné Aline.
Cette façon de faire avait pour but, selon Yannick, déloigner les autochtones de leur communauté. «La mentalité, cétait denvoyer les autochtones le plus loin possible de chez eux pour ne pas quils y retournent», a-t-il soutenu.
Cette démarche a porté ses fruits, car certains anciens pensionnaires ne sont jamais retournés dans leur communauté pour ne pas être obligés denvoyer leurs enfants dans les établissements.
«Ce sont des générations et des générations qui ont été prises en charge. Il y en a qui ont perdu leur vie autochtone», a souligné Yannick.Les excuses du gouvernement fédéralLe 11 juin, des excuses officielles ont été adressées aux élèves des pensionnats indiens pour les traitements quils ont subis. Ces excuses, quelque 15 000 autochtones du Québec les attendaient depuis longtemps.
Elles ne sont toutefois quun léger baume. Les anciens pensionnaires veulent des actions. Deux indemnités ont été mises en place par le gouvernement fédéral: le paiement dexpérience commune pour tous les gens qui ont séjourné dans ces établissements et le processus dévaluation indépendante pour les survivants qui ont subi de la violence.
«Certains dossiers ont disparu et les gens doivent se battre pour prouver quils ont habité dans un pensionnat. Par ailleurs, plusieurs établissements nont pas encore été reconnus par le gouvernement. Il y en a environ 400 en attente. On travaille pour les faire approuver», a précisé Yannick.
Il soutient que le gouvernement, à lépoque, prenait en charge léducation des autochtones et les retirait de leur communauté. Ces conditions sont, selon lui, aussi applicables à des établissements comme les écoles Thérèse-Martin ou Barthélemy-Joliette.
«Nous voulons quelles soient reconnues, car les jeunes autochtones devaient séjourner dans des familles daccueil et étaient exclus de Manawan», a-t-il indiqué.
Par ailleurs, les communautés souhaitent que des actions soient prises afin de favoriser la santé, léducation et laccès au logement.
Il reste aussi beaucoup de travail à faire pour sensibiliser les gens à la réalité des Autochtones.
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