• Autochtones - D'itinérants de l'âme à jeunes nomades innus de l'espoir

    Autochtones - D'itinérants de l'âme à jeunes nomades innus de l'espoir

    Armand MacKenzie - Innu 31 mars 2011
    " height="298" src="http://www.ledevoir.com/images_galerie/d_87434_74592/image.jpg" title="Les Young Innu Cultural Health Walkers, menés par Michel «Le Géant» Andrew, à leur arrivée dans la communauté innue d’Uashat, samedi dernier.
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    Photo : Adelard Joseph
    Les Young Innu Cultural Health Walkers, menés par Michel «Le Géant» Andrew, à leur arrivée dans la communauté innue d’Uashat, samedi dernier.
    Il y a quelques années, au palais des Nations unies à Genève ainsi qu'à Londres, j'ai participé au lancement d'un rapport d'enquête accablant d'une organisation non gouvernementale, Survival International, qui faisait état des relations troubles entre le Peuple innu et le Canada. Sur fond d'images de jeunes Innus inhalant des vapeurs d'essence, menaçant de s'enlever la vie — images qui ont vite fait le tour du monde —, nous dénoncions alors dans ce rapport intitulé Le Canada: la mort programmée des Innus la situation désespérée de nos jeunes Innus vivant dans nos communautés et l'ensemble des actions gouvernementales et des institutions religieuses qui ont eu pour effet de créer un état de dépendance totale chez un peuple autrefois autonome. Aujourd'hui, cependant, c'est d'espoir que je veux vous parler.

    C'est en toute humilité, un peu comme de jeunes Gandhi en marche pour leur liberté vers l'océan Indien, que de jeunes marcheurs innus ont cheminé du Labrador jusqu'à Sept-Îles sur la Côte-Nord, en passant par Saint-Augustin, en Basse-Côte-Nord.

    Guidés et inspirés par leur leader, un jeune Innu du Labrador, Michel Andrew — surnommé «le Géant» en raison de sa taille —, ils ont entamé leur périple sur le territoire innu de leurs ancêtres, l'année dernière à Sheshatshiu, près de Goose Bay et l'ont poursuivi, cet hiver, dans le village innu de Pakuashipu, marchant sur la route blanche, pour le terminer, la semaine dernière, sous un beau soleil printanier à Uashat.

    Lutte contre le diabète

    Habillés de blanc, tels des caribous, à la file indienne, avec leurs toboggans, se levant tôt le matin, parcourant le pays innu, Nitassinan, jusqu'à la tombée du jour, montant et démontant leurs tentes, ces jeunes Innus — les Young Innu Cultural Health Walkers — n'ont pas marché pour être populaires, mais tout simplement pour une cause: lutter contre le diabète, omniprésent chez les Innus, et promouvoir l'activité physique auprès de notre peuple.

    Luttant contre leurs propres démons de l'intérieur — si nombreux dans nos réserves indiennes — d'itinérants de l'âme, ils sont devenus de jeunes nomades innus de l'espoir. Accueilli en héros dans ce chapelet de petits villages sur la côte, le groupe de Michel «le Géant» Andrew a réveillé, parmi plusieurs d'entre nous (j'en suis certain), la fierté et l'espoir d'être autochtone, et ce, tant auprès des jeunes que des plus âgés. Encore plus, ils donnent l'exemple que par l'effort, le courage et la détermination nous pouvons en tant que peuples autochtones faire face à nos problèmes, les aborder de front, trouver les solutions qui s'imposent — certaines plus simples et d'autres parfois plus complexes.

    Utilisant les réseaux sociaux, tel Facebook, nos nomades de l'Internet ont su insuffler un vent d'espoir en restant branchés, de façon régulière, avec ceux et celles qui ont suivi leur quête. Leur démarche et leur message — tout comme celui du chirurgien innu, le Dr Stanley Vollant, qui a entrepris son propre «Compostelle innu» — sont simples: marcher et marcher encore, comme nos parents l'ont fait, de la côte du Labrador jusqu'aux confins du pays innu, pour démontrer que la meilleure façon de s'en sortir chez nous est de redoubler d'ardeur en apprenant tous les jours, en travaillant fort et en restant en forme le plus longtemps possible afin d'apporter quelque chose à sa communauté, à sa nation.

    Hommes libres

    Écoutant les récits de vie de ma mère crie-innue de 86 ans, l'aînée du village à Schefferville, me parlant de sa jeunesse, se levant «à la barre du jour» pour casser la glace de l'eau du lac Nitshikun, dans la région de la Caniapiscau, afin de préparer le thé du matin, travaillant tout le long de la journée, à pratiquer la pêche blanche, préparant les peaux de caribous — si peu nombreux à l'époque, un peu comme aujourd'hui —, je n'ai pas pu m'empêcher de constater que c'est dans les démarches les plus simples que des individus réalisent de grandes choses, pourvu qu'ils restent fidèles à celles-ci chaque jour de leur vie.

    Pendant plusieurs années, avant les routes, les trains et les avions, ma mère, comme d'autres Innus, a parcouru le territoire innu de la Côte-Nord jusqu'aux limites de la baie James et de la côte du Labrador, au vieux poste de traite de Davis Inlet, en passant par Churchill Falls jusqu'à Moisie, près de Sept-Îles sur la Côte-Nord. Pour survivre, sa famille a surmonté la famine, la fatigue, les portages, les distances, le froid, le soleil, le vent grâce à la solidarité, l'ingéniosité et à la discipline de son peuple. Dans cette transhumance humaine, ma mère comme d'autres héros innus de l'époque ont vécu, malgré tout, des jours heureux, en hommes libres sur leur territoire.

    C'est un peu tout cela que ces jeunes marcheurs innus ont réalisé en plongeant, comme l'on plonge dans une tente tremblante innue, dans leur identité culturelle. Ils nous ont donné l'espoir que les choses peuvent changer dans nos villages autochtones: que nous pouvons lutter contre l'oisiveté, la drogue, la négligence, la violence, l'alcool et l'abus dans nos familles. Ces jeunes nous ont permis de rêver et d'espérer que les jours de famine de l'âme innue seront bientôt derrière nous.

    Un seul homme, tel un géant de sa culture, Michel Andrew, a su inspirer d'autres jeunes comme lui en marchant seul la première année, d'abord de Sheshatshiu à Natuashish au Labrador, accompagné par une dizaine de jeunes durant la deuxième année pour son voyage vers Saint-Augustin, en Basse-Côte-Nord, et maintenant marchant, vers Uashat, avec à ses cotés des centaines d'individus qui cherchent à surmonter un passé colonial, rêvant de liberté et d'être meilleurs comme êtres humains, comme Innus... Parce qu'innu veut tout simplement dire «être humain»: comme vous, comme moi.

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    Armand MacKenzie - Innu
     

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