Une modification à la loi éliminerait une discrimination envers les femmes mariées à des non-autochtones
Une autochtone algonquine et sa fille. À ce jour, un enfant né du mariage d’une femme autochtone et d’un homme non autochtone a toujours un statut métissé, et ses enfants ne sont pas admissibles au statut d’Indien, s’ils épousent eux-mêmes une personne non inscrite.
Quelques dizaines de milliers d'autochtones devraient bientôt retrouver leur statut d'Indiens inscrits au Canada. Ce sont les petits-enfants des nombreuses femmes autochtones qui ont épousé des non-inscrits dans le passé, et dont les enfants n'ont par conséquent eu qu'un statut métissé, ou de «6-2», comme on les appelle officiellement.
Dans les prochains jours, à la Chambre des communes, le gouvernement canadien devrait en effet se pencher, en troisième lecture, sur une modification à la Loi sur les Indiens qui tenterait, de nouveau, d'éliminer cette discrimination historique envers les femmes autochtones, qui fait en sorte que les petits-enfants des femmes autochtones ayant épousé un non-inscrit n'ont plus de statut.
Cette modification ne réglera pas tout, loin de là. En 2008, la cinéaste Tracey Deer présentait un film troublant, Club Native, sur des femmes amérindiennes qui ne sont plus les bienvenues dans la réserve mohawk de Kahnawake, près de Montréal, parce que leur conjoint n'est pas un membre reconnu de la réserve.
En dépit des modifications à venir à la Loi sur les Indiens, les réserves ont acquis le droit de définir qui peut ou non rester membre d'une réserve, et, par la même occasion, bénéficier des services du conseil de bande. À Kahnawake, où le code d'appartenance est particulièrement exigeant, on demande que les membres de la bande comptent au moins quatre arrière-grands-parents autochtones. Or, lorsqu'il s'agit d'être membre d'une réserve, ces codes d'appartenance ont préséance sur les critères d'admissibilité au statut d'Indien établi par la Loi sur les Indiens.
«Cela est d'ailleurs légal», commente Ellen Gabriel, ex-présidente de Femmes autochtones du Québec, qui a été remplacée la semaine dernière par la nouvelle présidente élue, Michèle Audette. Loin de défendre les conseils de bande dans ces pratiques, Ellen Gabriel croit cependant que c'est la Loi sur les Indiens qui a soufflé cette pratique discriminatoire aux réserves. À ce jour, un enfant né du mariage d'une femme autochtone et d'un homme non autochtone est toujours considéré comme un «6-2», et ses enfants ne sont pas admissibles au statut d'Indien, s'ils épousent eux-mêmes une personne non inscrite.
«Il y a une question de financement derrière cette approche, commente Ellen Gabriel, c'est une question d'économie». «En 1985, la Loi sur les Indiens a été modifiée pour éliminer une première discrimination envers les femmes autochtones, qui avaient leur statut après s'être mariées avec un non-autochtone. Les conseils de bande se sont retrouvés avec plus de membres, mais il n'y a pas eu plus de fonds pour autant.»
Pour Femmes autochtones du Québec, il est inconcevable, d'une façon ou d'une autre, que ce soit le gouvernement fédéral qui détermine qui est autochtone et qui ne l'est pas.
«6-1, 6-2, vous ne trouvez pas que ça sonne comme des pedigrees d'animaux?», demande Ellen Gabriel.
La modification à la Loi sur les Indiens qui doit passer d'un jour à l'autre à Ottawa est en fait issue d'un jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans la cause portée à son attention par Sharon McIvor, de Merritt, en Colombie-Britannique.
Les grands-mères de Mme McIvor étaient toutes deux autochtones, mais leurs maris n'étaient pas des Indiens inscrits. Après les modifications de 1985, Mme McIvor a obtenu son statut d'autochtone en vertu de la Loi sur les Indiens, mais a découvert que ses enfants n'avaient pas droit au statut, alors que ceux de son frère y avaient droit. En 1987, alors qu'elle est étudiante en droit, elle porte la cause devant les tribunaux, qui ont mis des années à lui rendre justice. En 2007, la juge Carol Ross, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique statuait que «les ancêtres d'une femme sont incomplets ou moins Indiens que ceux de leurs contemporains masculins. Cela sous-entend que la lignée de cette personne est inférieure».
C'est ce jugement qui a forcé le gouvernement canadien à faire les modifications à la Loi sur les Indiens que l'on attend aujourd'hui. Sharon McIvor est maintenant grand-mère et a bien entamé la soixantaine. Vivra-t-elle assez longtemps pour se battre pour le statut de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, qui seront à leur tour menacés de perdre leur identité?
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