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    Deux Cris contre le Plan Nord

    Le duo musical engagé Ceramony estime notamment que la construction de routes pourrait restreindre l'accès des chasseurs cris à leur propre territoire

    Pakesso Mukash et Matthew A. Iserhoff veulent devenir «des ambassadeurs de la nation crie».<br />
    Photo : François Pesant - Le Devoir
    Pakesso Mukash et Matthew A. Iserhoff veulent devenir «des ambassadeurs de la nation crie».
    Ils sont Cris et s'opposent au Plan Nord. Ils le disent en musique et en mots. Le duo musical Ceramony, formé de Pakesso Mukash et de Matthew A. Iserhoff, est un peu à la communauté crie ce que Richard Desjardins est à la nôtre, le pop et le rap en plus. C'est un duo d'artistes engagés qui ne craint pas d'affronter les bulldozers du progrès.

    Leur premier disque dénonce la conclusion de l'entente de la «paix des braves», et s'oppose à l'adoption du Plan Nord. Gagnant du Juno du meilleur album autochtone de l'année, il fait un tabac dans la communauté crie.

    «Les Cris ont accueilli notre succès comme si c'était le leur», dit Matthew A. Iserhoff, que Le Devoir a rencontré avec son comparse Pakesso Mukash. Les deux musiciens, qui veulent devenir «des ambassadeurs de la nation crie», vivent aujourd'hui à Montréal.

    En fait, la première chanson de Pakesso Mukash et Matthew A. Iserhoff, intitulée First Son, est née de la déception du duo de voir adoptée la «paix des braves», en 2002, malgré l'opposition des jeunes Cris. À cette époque, Pakesso Mukash était le chef des jeunes de la communauté crie de Poste-à-la-Baleine, et Matthew A. Iserhoff, le chef des jeunes de la communauté crie de Mistissini.

    À l'époque, disent-ils, le conseil des jeunes Cris avait réuni 150 membres et avait demandé un vote sur la «paix des braves». 149 des membres présents s'y étaient opposés. Pakesso Mukash, qui est le fils de l'ancien chef du grand conseil des cris Matthew Mukash, et Matthew A. Iserhoff dénoncent aussi le fait que la «paix des braves» a été conclue en pleine saison de chasse, et que beaucoup de chasseurs n'ont par conséquent pas participé aux débats.

    «Ce n'est pas exactement ce que je voulais être, chantent-ils dans First Son, un enfant des Premières Nations assimilé». Aujourd'hui, Ceramony s'oppose au Plan Nord, parce que la construction de routes pourrait, croient-ils, restreindre l'accès des chasseurs cris à leur propre territoire. Le duo voit aussi d'un mauvais oeil l'arrivée des quelque 20 000 nouveaux travailleurs par année durant cinq ans, prévue dans le plan. Selon Pakesso Mukash, la communauté crie n'est pas prête à occuper tous ces emplois, quoiqu'en disent les dirigeants cris, qui soutiennent la conclusion d'une entente. La chanson de Ceramony The Last Great Men, rédigée en partie en cri, s'adresse aux aînés et tente de leur exposer le point de vue des jeunes. «Nous voulons leur dire que ce n'est pas vrai que les jeunes n'ont plus rien à faire de la culture traditionnelle», dit Matthew.

    «Grand-père, je veux marcher où tu as marché, Grand-père, je veux voir où tu chassais», chantent-ils dans The Last Great Men.

    Selon Pakesso Mukash, environ 40 % de la population vit encore de la chasse et de la pêche dans le très grand nord du Québec.

    Le territoire

    «Pour nous, l'identité crie est profondément ancrée dans le territoire. Une fois que tu as vendu ton territoire, il ne te reste plus rien», dit Matthew. Et tout l'argent de compensation du monde n'y changera rien, ajoute-t-il. Pakesso Mukash, qui est en partie abénaquis par sa mère, donne en exemple le cas des Abénaquis, qui sont entourés de développement urbain et qui n'ont tout simplement plus de territoire pour chasser.

    «Ceux qui bénéficieront du Plan Nord en fin de compte seront les grosses compagnies et le gouvernement provincial, dit Matthew, notant que ce phénomène s'observe partout dans le monde. On a beau brandir des arguments sociaux pour justifier ce plan, c'est clair que ce n'est pas l'objectif premier de l'affaire. [...] Et ce n'est pas nous qui avons poussé le Plan Nord, mais bien le gouvernement Charest.»

    En fait, malgré les 3,5 milliards de dollars promis par la «paix des braves», grâce auxquels on a par exemple bâti des complexes sportifs et des arénas, le diabète n'a cessé d'augmenter chez les Cris, note Pakesso Mukash.

    À l'argument voulant que les Cris servent de modèle de développement aux autres communautés autochtones, entre autres à cause de l'entente de la Baie-James, Matthew A. Iserhoff oppose que bien des autochtones du Canada considèrent aussi les Cris comme des autochtones qui ont vendu leur âme contre de l'argent. En fait, souligne le duo, les Cris ont plutôt gagné l'admiration de leurs semblables lorsqu'ils ont bloqué le projet Grande-Baleine, à la fin des années 1990.

    Et s'ils admettent que les ententes du Plan Nord et de la «paix des braves» peuvent avoir des retombées positives pour leurs communautés, Matthew A. Iserhoff et Pakesso Mukash croient tout simplement que trop d'ententes sont signées dans le Nord, trop rapidement, plaçant la nouvelle génération de Cris en rupture avec son passé.

    «Cela nous place dans un état de perte de confiance dans notre identité», dit Matthew.

    L'entente de la Baie-James s'est signée alors que le territoire cri était encore considéré que comme une vaste toundra quasi déserte. Désormais, les décideurs y voient le miroitement de l'or, des diamants et de l'uranium. Une motivation qui peut être plus forte que bien des développements sociaux...

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     source du lien : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/337027/deux-cris-contre-le-plan-nord

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