• Recruter au Nunavik: mission impossible?

     
    Le lundi 02 juin 2008

    Recruter au Nunavik: mission impossible?
     
    À la mi-mai, la neige commence à fondre sur la glace de la rivière Payne, à Kangirsyk, un des villages de la baie d'Ungava. (Photo Agnès Gruda, La Presse) 

    À la mi-mai, la neige commence à fondre sur la glace de la rivière Payne, à Kangirsyk, un des villages de la baie d'Ungava.
    Photo Agnès Gruda, La Presse

     
    Agnès Gruda
    La Presse
    Kuujjuaq
     
    L’automne dernier, dans la foulée du rapport sur la situation au Nunavik, Québec a affiché 18 postes de travailleurs sociaux pour le Grand Nord. Combien ont été embauchés? Réponse: aucun.

    «Quand les gens voient dans quelles conditions ils vont travailler, ils changent d’idée», déplore Claude Bouffard, directrice de la planification de l’Agence régionale de la santé et des services sociaux, à Kuujjuaq.
     
    La pénurie de main-d’œuvre est telle que l’agence a tout juste réussi à prévenir les ruptures de service au cours de l’hiver, grâce à des employés temporaires.
    Pas étonnant que les 21 recommandations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse soient restées sans suite, comme le révèle une enquête menée par le syndicat qui représente les intervenants sociaux des sept villages de la baie d’Ungava.
     
    Pour évaluer le chemin parcouru depuis 12 mois, le syndicat a rencontré une trentaine d’employés des deux centres de santé qui desservent le Grand Nord. À quelques détails près, ils n’ont constaté aucun changement. Ainsi, aucun programme de dépistage de la négligence subie par les petits enfants n’a été mis sur pied, comme le recommandait pourtant le rapport. Les services sociaux en milieu scolaire demeurent inexistants. L’évaluation des familles d’accueil reste déficiente. Et ainsi de suite.
     
    La pénurie de main-d’œuvre sévit aussi dans les postes de hauts dirigeants. Ainsi, le service de protection de la jeunesse qui dessert la baie d’Ungava est sans direction depuis plusieurs mois. Avis aux intéressés: le poste de directeur et deux postes d’adjoints sont libres.
     
    La dernière adjointe a quitté son emploi au bout de deux mois, en avril. «Elle en avait trop sur les bras», dit Madge Pomerleau, directrice du centre de santé Tullativik qui chapeaute l’hôpital et le CLSC de Kuujjuaq.
     
    Gestion de crise
     
    Sur le terrain, la coupe déborde. «Je devrais visiter les familles, rencontrer les jeunes à l’école, mais je ne fais que gérer des crises», déplore la travailleuse sociale Louise Ayotte.
     
    «Depuis la publication du rapport, nous n’avons reçu aucune nouvelle directive et nos patrons semblent dépassés», s’inquiète Michèle Audy, présidente du syndicat affilié à la CSN.
     
    Résultat: plus de la moitié des signalements faits par les écoles de Kuujjuaq auprès du service de protection de la jeunesse sont restés sans suites.
     
    Un cas parmi d’autres: un enfant qui a assisté à une confrontation violente dans sa famille n’a pas reçu d’assistance immédiate et son dossier a fini par être fermé.
     
    «Un an, ce n’est pas très long pour corriger des problèmes d’une telle ampleur, nous faisons de notre mieux avec ce que nous avons», fait valoir Madge Pomerleau. Elle ajoute qu’une équipe de cinq personnes doit arriver aujourd’hui à Kuujjuaq pour tenter de remettre le bateau de la protection de la jeunesse à flot.
     
    Ce qui ne réglera pas le problème numéro un du Grand Nord: le recrutement. Le hic, c’est que les primes nordiques offertes à certains professionnels ne font pas le poids, plaide Mme Bouffard. À un point tel que Québec envisage d’offrir de nouveaux incitatifs financiers dans le Nord pour y attirer plus de professionnels, selon Louise Montreuil, sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des services sociaux.
    Mais une fois qu’on a déniché la perle rare, encore faut-il la loger. Or la pénurie de logements est telle que les «petits nouveaux» sont souvent tenus de partager leur maison avec des collègues. Pas très attrayant pour les couples et les familles.
    Une cinquantaine de maisons seront acheminées cet été dans les 14 villages du Nunavik pour le personnel de la santé et de services sociaux. Mais il en faudrait beaucoup plus.
     
    La pénurie de logements affecte aussi la population locale. Les Inuits habitent dans des appartements trop exigus qu’ils partagent avec leurs frères, sœurs et grands-parents. Difficile dans ce contexte d’accueillir des enfants en crise. À Kuujjuaq, la banque de familles d’accueil est à sec.
     
    Cet été, les habitants des 14 villages du Nunavik se partageront 80 nouvelles maisons. La liste d’attente en compte… 750.
     
    Ce que dit le rapport
     
    En juin 2007, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dressait un portrait alarmant de la situation des enfants dans le Grand Nord québécois. Le rapport constatait que la crise identitaire vécue par les Inuits entraîne des maux tels que l’alcoolisme, la toxicomanie, des mauvais traitements et des taux de suicide endémiques – que les services sociaux déficients sont incapables de traiter.
     

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