• merci a tous , qui me lisez !

    voici une video , que j ai créer , je l'a partage avec vous!

    amitier tipied




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  • Peuple Dineh (Navajo), un peuple sur le chemin de l'exil
    Colonisation de l'Amérique du Nord
    Metz (57) - du 9 au 30 novembre 2006
       

     

    Du 9 au 30 novembre 2006

    Club Unesco - M.J.C. Maison Pour tous des Quatre Bornes
    Rue Etienne Gantrel - 57050 Metz Devant les Ponts

    PEUPLE DINEH (Navajo),
    un peuple sur le chemin de l'exil
    exposition de photos de Franck T.Pinero

    Renseignements: 03 87 31 19 87
    Vernissage officiel le 9 novembre 2006 à 18h

    Le jeudi 16 novembre 2006 à 20h30

    Campus Bridoux - Amphi Avicienne - 57000 Metz

    COLONISATION DE L'AMERIQUE DU NORD
    conférence animée par Eric Navet

    Renseignements: 03 87 75 34 64


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  • Notre mère terre est en train de vivre un malaise parce que nous oublions que nous sommes ses enfants. Nous l'offensons à croire que nous dirigeons sa destinée alors que notre ignorance est si grande et que la seule chose que nous faisons est de mal utiliser l'énergie de nos vies…

    Nous avons créé tant de différences qui n'existent pas, alors que nous sommes un seul être. Nous devons détruire tout ce qui nous a bloqués, qui nous retient, tant de vices, d'habitudes qui ne servent à rien et que nous pouvons transformer pour le service véritable de notre époque.

    Si nous sommes capables d'avoir une bonne relation avec les plantes, avec les oiseaux, avec les poissons, avec tous les êtres qui existent, nous pouvons reconnaître et nous rendre compte de toutes les histoires et les mémoires qui ont été intentionnellement transformées négativement. Originellement, elles ont été transmises d'une certaine manière, ensuite elles ont été changées avec l'intention d'abuser de la terre et de ne pas reconnaître le sacré originel. Pour cela, nous avons la tâche de nettoyer tout ce qui recouvre notre vérité. Dans les ruines et les poubelles, il y a beaucoup de choses utiles, qui ont été intentionnellement sabotées…Il n'y a pas de véritable relation sans l'appréciation de la manifestation même du Grand Esprit dans tout ce qui nous entoure. Quand nous croyons que tout cela est là pour toujours, nous oublions qu'il faut aussi semer, arroser, attendre que cela germe et pousse. Comme tout cela se passe naturellement, dans les montagnes, nous croyons que c'est éloigné de nous. Mais en fait, tout cela se passe à l'intérieur de nous …

    Il y a tant d'abus avec les produits de la nature, ils sont dans les mains des laboratoires et des capitalistes qui dictent ce qui doit être fait et qui déterminent les produits chimiques qui n'ont plus rien à voir avec la nature de la plante. Tout est altéré, la laitue, les tomates, les fruits, des choses essentielles comme le lait. Ils n'ont plus l'esprit d'avant. Ils sont le résultat d'un abus, d'une quantité produite. Par exemple, il est tellement cruel de voir comment sont enfermées les poules pour qu'elles grossissent. Tout ceci crée des maladies et problèmes parce qu'il n'y a pas de relation naturelle, on ne leur donne pas l'espace que le Grand Esprit leur donna naturellement. Qui sommes-nous pour les enfermer par le seul fait qu'ils sont des aliments ? Ils se convertissent en aliments forcés, exagérément développés, loin de leur nature. Comment pouvons-nous dire qu'il y a une relation saine puisque la santé s'éteint peu à peu de la terre, puisque la majorité des gens ne connaît pas la réalité de ce qu'elle mange et vit…

    Il y a tellement de choses qui vont se défaire et qu'il sera impossible ce contrôler… La plupart des choses que nous recevons sont un mensonge qui bénéficie seulement à un petit groupe qui exploite des millions de personnes et de vies sacrées, créées par le Grand Esprit.

    Ce préjudice est produit intentionnellement par ceux qui ne se soucient pas de la vérité. Il y a un déséquilibre si grand que nous avons dépassé les limites de l'équilibre, rapidement nous allons vivre les conséquences de ce déséquilibre et nous ne sommes pas préparés à cela. Il n'y a plus d'amour et de respect pour la vie dans les champs. C'est un venin que nous mangeons tous les jours. Il existe aussi dans nos maisons. La télévision nous transmet tous les mensonges créés pour engourdir la santé et la raison. Les journaux et les revues sont d'autres moyens de programmation pour nos enfants…. La vérité est proche car il n'y a pas d'autre temps que ce temps. Nous vivons une grande farce, quelque chose qui nous a déconnectés de notre vérité.

    Nous devrions assumer la responsabilité d'enseigner aux garçons et aux filles que la beauté est dans leur cœur, dans l'attention qu'ils portent aux choses, dans les plantes, les animaux, leur enseigner un profond respect pour la vie, comprendre la nature de la vie. Si on leur transmettait que, pour pouvoir manger, il faut d'abord planter et ensuite cultiver, qu'il y a tout un processus, alors l'enfant apprendrait cela.

    On doit lui raconter l'histoire de ses propres parents, ensuite de ses grands-parents, etc, ainsi jusqu'à arriver à ses racines, alors il connaîtrait son histoire. Ensuite vient l'histoire des voisins, de ceux qui ont fait quelque chose pour leur peuple, dont la vie est arrivée à nos oreilles comme un enseignement important, cela peut être l'histoire d'un paysan qui a travaillé la terre.
    Nous savons qu'il faut d'abord ramasser beaucoup de graines, et les planter dans la terre ; puis arroser et prendre soin d'elles, peu à peu la terre te le rendra multiplié. Pour cela, il faut de l'amour et de l'attention, sans mettre des engrais, simplement être attentif que tout aille bien, qu'elles n'aient pas soif ou trop d'eau, la mesure juste.

    Ceci est l'enseignement : avoir la mesure juste en toute chose.
    C'est bien d'apprendre aux enfants de ne pas gaspiller la nourriture et l'eau, de leur permettre de les apprécier, de les valoriser. Si nous ne leur enseignons pas la responsabilité, ils vont vivre négligemment, sans respect et amour. On doit les former de manière équilibrée…

    Nous ne sommes pas immortels. La prophétie dit que nous ne devons pas oublier d'informer nos enfants, de les préparer, de les instruire, de les conscientiser

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  • Le Devoir, lundi 16 octobre 2006

    Vers le Forum socioéconomique des Premières Nations - Le temps de la franchise est venu

    Ghislain Picard
    Chef régional, Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador


    Ghislain Picard

    Premier texte d'une série de trois Le premier grand forum panquébécois portant sur l'avenir socioéconomique des Premières Nations se déroulera du 25 au 27 octobre prochains à Mashteuiatsh. Cet exercice, comparable au Sommet de l'économie et de l'emploi, présidé par M. Lucien Bouchard en 1996, et au Forum des générations de M. Jean Charest en 2004, est d'une importance fondamentale pour nos Premières Nations.

    Quelles sont les chances et les conditions de succès de ce forum ? Une réflexion préalable s'impose.

    Un ensemble de dirigeants et de représentants de la société civile québécoise et canadienne participeront à ces travaux, côte à côte avec les dirigeants des peuples autochtones du Québec, afin d'unir leurs forces autour d'objectifs concrets. Nos peuples n'ont pas le choix ni les moyens de manquer cette occasion historique. Un assemblage de voeux pieux ne pourra traduire pour notre jeunesse nombreuse l'espoir sensible à un avenir prometteur. De vagues promesses échangées de part et d'autre ne suffiront pas.

    Nos Premières Nations sont à l'avant-garde de cette responsabilité qui consiste à sortir nos peuples du sous-développement et du marasme social qui affligent la majorité de nos communautés. La balle est dans notre camp, et nous le savons. Nous avons d'énormes changements à apporter dans nos approches d'éducation populaire, de sensibilisation publique et de gestion de services intégrés, mais les gouvernements ont aussi une responsabilité indéniable.

    Nous devons changer notre approche et penser en termes de nouvelle économie, d'économie sociale, d'économie régionale. Nous ne pouvons réaliser cette nécessaire révolution seuls, sans le soutien des Québécois et des Québécoises, mais certains obstacles nous éloignent. Dans le prochain article de cette série, j'aborderai la question de nos divergences et la façon de renforcer nos convergences.

    Le fossé oublié

    Un immense fossé sépare les conditions de vie des Québécois et des Québécoises et celle de nos peuples. Nous avons publié récemment les résultats d'une vaste enquête réalisée auprès de 4000 membres de nos communautés, soit près de 10 % de la population autochtone totale vivant au Québec. Le constat de la situation est tellement alarmant que certains l'ont qualifiée de «tiers monde de l'intérieur».

    La moitié des adultes n'ont pas terminé des études secondaires et la moitié des enfants ont redoublé une année scolaire. L'obésité touche 52 % des enfants, 42 % des adolescents, 67 % des adultes et 71 % des aînés. Le taux de diabète des jeunes est de 15 %, il est trois fois plus important que celui du Québec. Le taux de tabagisme a quelque peu régressé, mais il est encore deux fois supérieur à celui du Québec.

    La consommation d'alcool et de drogues est élevée; un adulte sur trois et un adolescent sur deux ont consommé de la drogue ou des substances volatiles dans les douze derniers mois précédant l'enquête. Un adulte sur six s'est fait traiter pour grave abus d'alcool.

    Les conséquences en matière de violence verbale, physique ou psychologique sont majeures. Dix pour cent des maisons sont surpeuplées et une sur trois est infestée de moisissures. Les Premières Nations doivent être impliquées dans les processus décisionnels en matière d'eau aux niveaux national, provincial, territorial et local.

    Le tiers des adultes considèrent avoir été victimes de racisme dans l'année. L'assurance-emploi et l'aide sociale comptent pour 44 % des revenus, même si le taux d'emploi a légèrement augmenté. L'usage d'une langue maternelle à la maison a chuté à 39 %.

    Je pourrais citer d'autres indices de développement humain alarmants, mais j'en conclurais de toute façon que nos problèmes sociaux sont majeurs, que notre retard à cet égard sur la société québécoise et canadienne est important et que la détresse psychologique est très grande dans nos communautés. Cette situation est dramatique aujourd'hui; elle hypothèque notre avenir et elle est insupportable à long terme.

    Leadership à prendre

    Je ne peux accepter cette situation; les dirigeants politiques et sociaux des Premières Nations, de même que les acteurs sociaux et politiques québécois et canadiens ne le peuvent pas plus. Un vaste exercice de mise au jour de solutions et un programme exhaustif et réaliste d'intervention sont nécessaires.

    Nous n'en sommes plus aux analyses et aux constats. La Commission royale sur les peuples autochtones a étudié en détail et avec lucidité ces questions pendant cinq ans et elle a présenté des centaines de recommandations dans son volumineux rapport de 1996, qui sont pour la plupart demeurées lettre morte, faute de volonté de nos hommes et femmes politiques.

    En 1998, le gouvernement du Québec nous a imposé sans consultation sa politique intitulée Partenariat, Développement, Actions. Une entente conjointe appelée Engagement politique mutuel, convenue le 17 juin 2003, a engendré plus de frustration que de résultats positifs.

    Mon explication de cette absence de résultats est que jamais les Premières Nations n'ont pu prendre l'initiative et assurer le leadership d'un tel exercice de mobilisation. La reconnaissance et la mise en oeuvre de nos droits fondamentaux ne connaissent aucun développement significatif, malgré de nombreux jugements d'interprétation favorables de la Cour suprême du Canada depuis plus de 20 ans.

    Nous avons tous besoin d'un effort original d'imagination et de pragmatisme. Nous n'en sommes plus aux palabres et tergiversations, nous en sommes au courage d'agir concrètement, ce qui est possible malgré certaines relations litigieuses.

    http://www.autochtones.ca/portal/fr/Default.php


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  • La ville de Grand-Mère au Québec

    doit son nom à cette légende,

    racontée ici à la façon de....


    Paule Doyon






    - L’heure est venue, dit le bel Indien, je pars…

    - Un instant encore…fit la brune Indienne, sa jeune femme, en finissant de tresser la longue natte de ses cheveux sombres. Elle donnait l’air de se presser, mais en réalité, elle y mettait tout son temps. Ses doigts bronzés luisaient dans le matin qui tâchait de se dépêtrer de ses haillons de brumes.

    - Je ne peux plus attendre ! répéta l’Indien, le soleil monte, la brume se dissipe…

    - Je viens ! Je viens ! reprit l’Indienne de sa voix flûtée, en feignant de chercher à travers ses colliers de wampuns un objet qu’elle ne trouvait pas.

    - Je pars seul alors ! fit l’Indien.

    - Non ! …je t’accompagne jusqu’à la rivière…

    Elle inspecta une dernière fois la tente. L’Indien, irrité, lui tira vivement le bras :

    - Allons ! Tu sais bien que je dois partir ! Il avait élevé la voix. L’Indienne le suivit, légère et discrète, à petits pas… Il était grand en avant d’elle, avec ses deux plumes sur ses cheveux gras. Il marchait comme un fauve. À pas feutrés. Il glissait sur la nature, on aurait dit…c’était peut-être un dieu ? le dieu de la chasse, son futur mari…

    Les arbres ne bougeaient pas de chaque côté du sentier. Leurs feuilles se taisaient. Pas le moindre petit frémissement sur son passage. Seul un écureuil osa rouler, pareil à un rayon d’or, jusqu’au faîte d’un bouleau pour les voir passer. Un oiseau cria son admiration à un moment donné. C’était peut-être une corneille bavarde, incapable de se taire, tant elle avait trouvé l’Indien beau.

    La rivière attendait au bout du layon. Toute bleue et muette. Pas un petit clapotement sur son bord. Que le silence de l’émerveillement absolu. Le canot d’écorce entailla l’eau, qui laissa échapper des vaguelettes toutes tendres, débordantes de perles d’écume et de pointes d’or…

    La main cuivrée de l’Indien saisit la rame. À peine assis, il glissa, irréel et dédoublé sur le paysage inversé qui montait du fond des eaux.

    Il était superbe, l’Indien, son futur mari, qui s’amenuisait de quart d’heure en quart d’heure. Il ne fut bientôt plus qu’un point tout petit. Cela aurait pu être un oiseau ou quelque chose qu’on ne savait pas, au loin sur l’eau...

    Et la langoureuse rivière Saint-Maurice s’étendait, insoucieuse, avec son petit point précieux. L’Indienne, sur la rive, la guettait des yeux. Quand le soleil se coucherait, il faudrait bien que la rivière lui rende son amant. Une rivière n’a rien à faire la nuit d’un Indien sur son dos.

    À midi, un souffle de vent passa, chuchota quelques mots à la rivière qui, du coup, se brouilla. Cela effaça jusqu’aux mirages du fond, l’eau se mit à boursoufler ici et là…L’Indienne surprit sur la berge ce qui pouvait être, soit un rire, soit un soupir. Le sable était doux et ne voulait pas que l’Indienne traduisit. Les feuilles aussi murmurèrent quelque chose. Un grand oiseau battit d’une aile pour signaler qu’il avait compris.

    Le vent revint. Il caressa rudement, mais caressa tout de même, le front inquiet de la femme jalouse qui épiait l’eau voluptueuse. L’eau qui déroulait jusqu’à la rive les ondulations violentes de sa chevelure écumeuse.

    Les oiseaux s’affolaient. Ils rasaient le sol en d’habiles virages aigus. L’Indienne voyait filer leurs ailes sans même dévier ses yeux. Le visage impassible, elle fixait le petit point invisible au loin…

    La rivière, sans doute, tentait de lui ravir son canot. Mais il était adroit, l’Indien, son bel amoureux, il ne la laisserait pas faire ! Il survolerait les vagues, roulerait sur le tapis moutonneux, il éclaterait de rire à la face coléreuse des eaux ! La rivière aurait beau le secouer de rage, mordre de ses dents mousseuses le fragile canot, il tiendrait ! La mâchoire méchante glisserait sur le canot huileux. Qu’il devait être beau ! le bel Indien, son futur mari, les cheveux brillants d’eau et la peau couverte d’écume, à cheval sur son embarcation blanche, tout seul à combattre sur l’eau !

    La pluie soudain se mit à crépiter du ciel surbaissé et noir. Tout le corps de la rivière en fut troué. Elle se tortillait avec violence. Des éclairs zigzagant comme des épées, brandissaient leurs lames tordues au-dessus d’elle. L’Indienne, sans sourciller, assistait à l’assaut. Le tonnerre faisait vibrer le sol. Des couteaux d’or scalpaient, à tout instant, les cheveux gonflés de la rivière en panique.

    Comme il devait être beau ! le bel Indien au centre de ces flèches rougeoyantes et de ces tams-tams terrifiants. Comme il devait se sentir brave dans son canot blanc ! trempé jusqu’aux os par les larmes rageuses de la rivière épouvantée.

    La pluie cessa sec, comme une fusillade au milieu d’un combat. Le tonnerre roula son artillerie lourde vers les coins inoccupés du ciel. Le soleil ouvrit à demi son œil rouge et descendit se coucher sur la litière piquante et encore humide des épinettes.

    L’Indienne, la chevelure ruisselante, la robe collée à sa peau brune, continuait de fixer de ses prunelles imperturbables la rivière qui lissait tranquillement les faux plis de ses eaux.

    Comme il devait être beau ! le bel Indien, dans le canot sombre, la silhouette de ses vastes bras ramant sur la robe noire de la nuit.

    Jour après jour, sans bouger, l’Indienne attendit. Toujours son regard immobile jaugeait durement les eaux. Elle ne faisait ni un geste, ni un pas. La rivière, indiscrète, venait de temps à autre lui clapoter des choses tout bas. Mais l’Indienne, sourde aux clapotages, impassible et hautaine, de son regard survolait les eaux. Comme il devait être beau ! l’Indien, bientôt son mari, ramant impétueusement vers elle, les muscles tendus et les bras durcis. Ses cheveux d’aigle, ses yeux luisants, son corps hâlé. Et avec sur sa tête, les deux plumes dont les barbes se défaisaient dans le vent.

    Un oiseau parfois tentait de le lui dire…le plus tendrement qu’il put. En modulant un peu pour que ce soit presque un chant. Mais l’Indienne, sourde, demeurait là, immobile, sans regarder l’oiseau. Le vent essaya lui aussi … avec des airs de violons, des bruissements dans les feuilles, des sifflements tordus. Mais l’Indienne, sans broncher, continuait de regarder au loin...

    Son corps, avec le temps, durcissait. Elle ne sentait plus sur sa peau les becs durs des aigles, ni dans son être la morsure de la faim. Elle devenait rigide. Ses yeux, fixes comme la pierre, continuaient de scruter la rivière.

    La rivière, à ses pieds, commença à ressentir une gêne. Elle roulait gauchement ses eaux ou bien refaisait, sans raison, la même vague. Elle n’osait plus demeurer calme, de crainte de refléter, avec le paysage des alentours, le corps statufié de cette femme qui obstinément fixait l’horizon.

    Le vent en était troublé lui aussi. La présence de cette Indienne, plus têtue qu’un bouleau, l’intimidait, lui le vent des orages, le faiseur de tempêtes. Par conséquent, l’inventeur des naufrages ! Avec un air de rien, il soulevait de son haleine marine les sables et les poussières de la rive, les accumulant aux pieds de la femme calcifiée. Pendant que la rivière, confuse, furtivement reculait, le vent, avec patience, s’affairait discrètement autour de l’Indienne pour l’enterrer.

    Il en fallut des jours et des nuits, des ans et des siècles, au vent pour accumuler assez d’humus et de calcaire pour enchâsser jusqu’à la nuque le corps de pierre de l’Indienne obstinée. La rivière s’en inventa des subtilités, s’en forgea des raisons, pour reculer. Histoire de ne pas être témoin des rides, des entailles profondes, que sculptait cruellement sur le visage de roc de l’Indienne fidèle le passage des ans.

    C’est pourquoi la rivière Saint-Maurice coule aujourd'hui - honteuse et les eaux basses - en retrait de la ville. Elle fait semblant d’ignorer que là-haut sur la colline, une grand-mère de pierre, au visage ravagé, continue de fixer de son œil de calcaire un point invisible,-et comme éternel sur l'eau...


    Paule Doyon - Tous droits réservés - 14 août 1999


    http://cafe.rapidus.net/anddoyon/prose1.html

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