• À l'époque des premiers contacts avec les Européens, les peuples amérindiens du Canada échangent des fourrures contre des produits de fabrication européenne, dont diverses pièces de métal (p. ex. des haches, des couteaux en fer, des clous), de la corde et des vêtements usagés. Pendant cette période, le commerce des fourrures s'effectue surtout avec les pêcheurs qui débarquent le long des côtes pour y faire sécher leurs prises. Bien que ces échanges soient peu nombreux, les Européens réalisent des profits substantiels en raison de la faible valeur de leurs produits par rapport à celle des fourrures, vendues à prix fort sur le marché outre-Atlantique.

    Au cours du XVIe siècle, cependant, la TRAITE DES FOURRURES en vient à former une activité à part entière. Des bateaux spécialement affrétés sont envoyés le long de la côte atlantique avec des cargaisons de produits manufacturés. Il s'agit alors pour les Européens d'offrir les types de produits les plus en demande, qui rapportent le plus de fourrures et au meilleur prix.

    Dès le début, les haches de fer comptent parmi les objets les plus convoités. Elles sont importées au Canada français en quantité telle qu'elles vont littéralement pulluler dans de nombreuses régions du Sud de l'Ontario, jusqu'à devenir la première culture commerciale des défricheurs qui travaillent la terre. Pour fabriquer ces haches, on utilise une courte barre de fer qu'on plie autour d'un mandrin et dans laquelle on pratique une ouverture en forme de biseau. Les extrémités sont ensuite soudées et façonnées par martelage en une longue et lourde lame. Une mince pièce d'acier est généralement insérée dans la lame pour obtenir un tranchant bien aiguisé et durable.

    Bien que des générations d'enfants aient grandi avec l'idée que ces haches étaient des armes, des découvertes archéologiques laissent croire que ce sont surtout les femmes qui les utilisaient, notamment pour couper les branches et les arbustes et faire du feu. Elles servaient également, de toute évidence, à bien d'autres fins.

    Si la lourde hache française peut convenir aux besoins des peuples iroquois sédentaires, elle est beaucoup trop encombrante pour les chasseurs et les cueilleurs des forêts du Nord. Les Français introduisent alors la hache biscaïenne, plus légère et plus effilée. Celle-ci fait probablement son apparition vers la fin du XVIIe siècle, à l'époque où la COMPAGNIE DE LA BAIE D'HUDSON établit ses postes de traite à la baie James.

    De plus, si on parvient à situer l'introduction de ces différentes formes d'outils dans le marché, il devient possible de dater les sites archéologiques. Par exemple, les premiers fusils à silex dont la Compagnie de la baie d'Hudson fait le commerce à la baie James sont munis d'une platine et d'un chien plats. Cependant, comme on sait que le modèle Oakes pourvu d'un chien et d'une platine aux surfaces arrondies a fait son apparition dans le Nord-Ouest en 1682, on peut en déduire que tout site archéologique présentant le modèle Oakes est ultérieur à 1682.

    Les produits du commerce changent avec le temps. Même si ces changements ne sont pas toujours datés avec précision, on peut en retracer approximativement l'époque. On peut, par exemple, évaluer l'âge d'une collection de pipes de kaolin ou de bouteilles de verre à 10 ans près. Les perles de verre et les casseroles de cuivre restent beaucoup plus difficiles à dater, bien que certains indices soient révélateurs. Ainsi, les premières grandes perles en forme d'étoile ne sont associées qu'aux premiers établissements français, et il semble que les petites casseroles de cuivre aux parois verticales ne soient apparues que beaucoup plus tard, à l'époque où la Compagnie de la baie d'Hudson en assurait l'approvisionnement.

    Les peuples autochtones s'intéressent aux produits de fabrication européenne pour leur supériorité technologique : les fusils à silex, les haches en fer, les couteaux et les casseroles de cuivre sont tout simplement plus efficaces que les arcs et les flèches, les outils de pierre et les paniers d'écorce qu'ils remplacent. De même, pendant presque toute l'année, les vêtements de laine sont largement supérieurs aux vêtements confectionnés avec des peaux d'animaux. Mais le commerce ne se limite pas qu'à des produits utilitaires. Une pipée de tabac n'améliorait peut-être pas l'habileté du trappeur, mais elle le rendait probablement plus serein. Quant à sa femme et ses filles, elles auraient pu continuer à s'attacher les cheveux avec des bandes de cuir, comme l'avaient fait leurs aïeules depuis des générations, mais elles trouvaient les rubans aux couleurs vives plus attrayants.

    La quantité de biens importés au cours des premières années du commerce de la fourrure est impressionnante. Ainsi, en 1684, la Compagnie de la baie d'Hudson envoie 300 fusils à silex, 2000 haches de fer, 2160 pipes en kaolin, 3000 canifs et 5000 couteaux de boucher à son poste d'Albany. Les Anglais et les Français, éternels rivaux, dominent alors le commerce des fourrures. Les Français ouvrent la voie vers l'ouest, empruntant les anciennes routes ouvertes par les canots amérindiens.

    Même après la conquête de la Nouvelle-France, la rivalité commerciale se poursuit à mesure que les marchands de Montréal se dirigent vers l'ouest. À l'époque où le commerce est à son apogée, les marchands suivent la « route des voyageurs », un parcours bien établi qui s'étend de Montréal, sur le Saint-Laurent, jusqu'au fort Chipewyan, sur le lac Athabasca. Le commerce des fusils, des casseroles, des perles, des pipes, des vêtements de laine, des couvertures, en échange des fourrures, a permis l'ouverture de la moitié d'un continent et a donné au Canada sa configuration essentielle.

    Auteur WALTER A. KENYON


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