• Pensionnats indiens

    Reconnaître les torts

     

    Mise à jour le mercredi 11 juin 2008 à 11 h 13

     

     

    Les milliers de survivants des pensionnats indiens victimes d'agressions sexuelles et physiques recevront, pour une deuxième fois en dix ans, des excuses officielles du gouvernement canadien.

    Quelques représentants des survivants de ces pensionnats, dont Willie Blackwater, seront à la Chambre des communes aujourd'hui, à 15 h, pour entendre le message du premier ministre Harper.

    Violé et battu à plusieurs reprises dès l'âge de 10 ans, M. Blackwater craint que les excuses ne soient pas à la hauteur. Âgé maintenant de 53 ans, Willie Blackwater a participé à une imposante poursuite judiciaire qui a mené à la condamnation du surveillant de son dortoir en 1995 et qui a aussi jeté les bases de la cérémonie d'aujourd'hui.

    Stephen Harper

    Photo: La Presse Canadienne /Tom Hanson

    Stephen Harper

    Dans son discours, le premier ministre Stephen Harper énumérera les sévices subis par les enfants de partout au pays qui ont été forcés de fréquenter ces pensionnats pendant un siècle et demi, soit de 1840 à 1996.

    Ces enfants étaient déracinés de leur milieu et il leur était interdit de parler leur langue. Plusieurs ont été agressés physiquement et sexuellement. Stephen Harper mentionnera donc ces torts qui ont marqué plusieurs générations. Par la suite, ce seront les chefs d'opposition qui prendront la parole.

    Les représentants des victimes ne pourront toutefois pas prendre la parole à la cérémonie officielle. Ils devront le faire à l'extérieur des Communes. Leurs réponses ne seront donc pas sauvegardées dans le registre officiel des travaux du Parlement. Bien que le chef régional de l'Assemblée des Premières nations pour le Québec et le Labrador, Ghislain Picard, se réjouisse du geste d'Ottawa, il croit qu'il reste beaucoup à faire.

    Je pense qu'il aurait été tout à fait logique dans un geste hautement solennel de permettre aux représentants des nations autochtones d'abord de recevoir, de les commenter et de compléter le processus de pardon finalement.

    — Ghislain Picard

    La Chambre des communes interrompra toutes ses activités normales de la journée pour souligner l'événement.

    Il y a 10 ans

    En 1998, la ministre des Affaires indiennes, Jane Stewart, a présenté des excuses officielles aux victimes des pensionnats autochtones. Ottawa reconnaissait ainsi les injustices et les sévices subis par les autochtones. Ces excuses avaient été jugées insuffisantes.

    Un long processus

    Les excuses du gouvernement canadien seront prononcées quelques jours seulement après que la Commission de vérité et de réconciliation des pensionnats indiens eut été mise sur pied. Ses travaux doivent permettre de faire connaître la vérité sur les séquelles subies par les pensionnaires autochtones.

    La commission a été créée après que les tribunaux eurent approuvé la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, conclue avec les avocats des anciens élèves, les avocats des Églises, le gouvernement du Canada et l'Assemblée des Premières Nations.

    Selon cette commission, quelque 135 pensionnats indiens ont été ouverts par le gouvernement au fil des années dont 25 en Alberta, 18 en Saskatchewan, 17 en Colombie-Britannique, 15 au Manitoba et en Ontario, 13 au Nunavut et 10 au Québec. Les pensionnats étaient administrés, selon les endroits, par les Églises anglicane, catholique, presbytérienne, baptiste ou unie.

    Selon l'Assemblée des Premières nations, qui cite des chiffres de Statistique Canada, il restait 87 500 survivants des pensionnats indiens en 2004. En vertu de la Convention de règlement, approuvée par Ottawa en mai 2006, les anciens élèves doivent recevoir 10 000 $ pour leur première année scolaire dans un pensionnat autochtone et 3000 $ de plus pour chaque année subséquente.

    voir interwiew de Roméo Saganash du Grand Conseil des Cris

    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2008/06/11/002-autochtone-excuses.shtml


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    S'excuser pour le passé 
    Stephen Harper présentera mercredi les excuses officielles du gouvernement pour les abus perpétrés dans les pensionnats destinés aux jeunes amérindiens, dont la fréquentation était obligatoire.  
     
    Le premier ministre répond ainsi à une demande répétée des Premières Nations. 
     
    Jimmy Papaty, ex-chef de Kitcisakik en Abitibi, est un des 150 000 anciens pensionnaires. 
    10062008/102590

    icône audio L'entretien de Joane Prince avec Jimmy Papaty

    http://www.radio-canada.ca/radio/desautels/index.shtml

    Se réconcilier avec le passé

     

    2 juin 2008 - Panser les plaies. C'est en quelque sorte l'objectif de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) des pensionnats indiens. Elle tentera de découvrir la vérité à propos des pensionnats indiens et examinera le processus de réconciliation.


    icône audio L'entretien de Michel Désautels avec Yvon Parent, avocat spécialisé en droit des Premières Nations



    Ce lien s'ouvre dans un autre navigateur Commission de vérité et de réconciliation



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  • Kitcisakik
    Wanaki au centre des discussions
    Mise à jour le mardi 10 juin 2008, 16 h 46 .


    Enfant de Kitcisakik
    Les maisons dans la communauté Kitcisakik n'ont pas l'électricité, ni l'eau courante. (archives)
    Le ministre des Affaires autochtones, Benoît Pelletier, était à Kitcisakik vendredi pour discuter du projet de construction du village de Wanaki avec le chef de la communauté, Edmond Brazeau.

    Le village de Wanaki devrait remplacer les infrastructures actuelles du village de Kitcisakik, où les Algonquins vivent dans des conditions de vie très difficiles, dans de petites maisons sans électricité ni eau courante. En plus de logements convenables, le nouveau village posséderait des infrastructures publiques comme une école et un centre sportif. Le projet est évalué à 120 millions de dollars.

    Selon Benoît Pelletier toutefois, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement fédéral. « Nous comme gouvernement nous avons indiqué notre intention de collaborer à la construction de ce nouveau village. C'est au gouvernement du Canada à prendre une décision. Je ne suis pas sûr qu'au moment où on se parle ils sont à l'aise avec le scénario qui est privilégié par la communauté de Kitcisakik, qui est de s'établir à la baie Barker », indique-t-il.

    En plus de la construction du village, Benoît Pelletier et Edmond Brazeau ont également parlé de la gestion des ressources naturelles sur le territoire de la communauté, ainsi que de la création du propre corps de police de Kitcisakik.

    Extrait audioUn reportage de Sandra Ataman

     

    http://www.radio-canada.ca/regions/abitibi/2008/06/10/002-pelletier-kitcisakik.shtml


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  • Lundi 09 jun 2008 | 21:20

    Des milliers d'autochtones n'ont pas encore reçu leur indemnisation

    Par Sue Bailey, LA PRESSE CANADIENNE

    OTTAWA - Alors que le premier ministre Stephen Harper s'apprête à présenter, mercredi, des excuses officielles aux autochtones victimes d'agressions dans des pensionnats religieux, des milliers d'anciens élèves affirment qu'ils n'ont pas encore reçu les compensations financières auxquelles ils ont droit.
    Plus de 10 000 personnes auraient demandé une révision officielle de leur dossier après avoir reçu moins que ce qu'elles réclamaient ou après avoir vu leur demande rejetée. Le programme d'indemnisation a jusqu'ici remis 1,3 milliard $ en paiements forfaitaires.

    Selon Gina Wilson, du ministère des Affaires indiennes, environ 5000 personnes n'ont reçu qu'un paiement partiel en raison de la perte de dossiers dans des incendies ou des inondations ou parce que des dossiers étaient incomplets.

    Quelque 18 000 personnes auraient vu leur demande rejetée, souvent parce qu'elles fréquentaient l'école dans la journée mais n'étaient pas pensionnaires. Plus de 7000 personnes n'ont pas reçu de compensation parce que l'établissement qu'elles fréquentaient ne faisait pas partie de la liste des 132 écoles reconnues par le gouvernement.

    Mme Wilson a expliqué que les écoles doivent répondre à des critères précis pour faire partie de la liste, soulignant que deux nouveaux pensionnats ont récemment été ajoutés. Selon elle, les cas impliquant des dossiers manquants sont les plus difficiles à traiter. "Tout le monde fait son possible pour s'assurer que nous suivons les ordres de la cour avec sensibilité et compassion", a-t-elle déclaré, ajoutant que les anciens élèves n'ont pas à prouver qu'ils ont fréquenté un établissement.

    "Ils n'ont pas à soumettre leurs documents scolaires. Ils n'ont qu'à appeler le Centre de réponse du Paiement d'expérience commune (...) et répondre aux questions", a expliqué Mme Wilson. Le numéro du Centre de réponse est le   1-866-565-4526       .

    Le ministère a reçu un total de 93 000 demandes d'indemnisation de 10 000 $ pour la première année de pensionnat et de 3000 $ pour chacune des années suivantes. Environ 65 000 chèques de 28 000 $ en moyenne ont été acheminés.

    Quelque 250 anciens élèves, membres de l'Eglise et autres invités seront présents sur la colline du Parlement mercredi pour assister aux excuses historiques présentées par Stephen Harper au nom de tous les Canadiens.

    Selon le ministre des Affaires indiennes, Chuck Strahl, il s'agira d'excuses sincères et respectueuses lors desquelles seront reconnus les pertes culturelles, les mauvais traitements et les agressions sexuelles survenues dans les pensionnats et qui ont touché des générations d'autochtones.

    http://www.info690.com/nouvelle-milliers_autochtones_ont_pas-969291-2.html


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  • Du sang sur la neige
     
    Kitty a été enterrée dans le petit cimetière de Kangirsuk. (Photo Agnès Gruda)
    Kitty a été enterrée dans le petit cimetière de Kangirsuk.
    Photo Agnès Gruda

     
    Agnès Gruda
    La Presse
    Kuujjuaq
     
    C'est l'histoire d'une petite fille qui a dû prendre son courage à deux mains pour témoigner au procès de l'homme qui a tué sa mère. C'est aussi l'histoire d'un village du Grand Nord dont les habitants chassent, pêchent et clavardent sur l'internet
     
     

     
    À travers un procès qui a conduit à un verdict inhabituellement sévère, pour la première fois, un Inuit vient d'être condamné pour un meurtre prémédité. Notre journaliste s'est rendue à Kuujjuaq pour suivre ce procès tristement symbolique. Elle trace le portrait d'une communauté qui aspire à se débarrasser de ses démons: l'alcool et la violence.
     
    L'accusé est camouflé par un paravent opaque, afin que la petite fille ne puisse pas le voir. Pour elle, c'est le plus important: ne pas apercevoir l'homme qui a assassiné sa mère.
     
    L'autre chose importante est de témoigner. Pour que cet homme reste en prison le plus longtemps possible.
     
    La petite fille, appelons-la Betki, n'avait que 7 ans quand une affreuse nuit d'hiver a chamboulé sa vie. Au moment du procès, elle a 10 ans.
     
    En cette journée de fin mai, une bruine humide imbibe l'air arctique de Kuujjuaq. Dans la salle d'audience du palais de justice, Betki fait face au procureur. «Pourquoi t'es déguisé en pingouin?» lui a-t-elle demandé juste avant d'entrer dans le box des témoins...
     
    À la droite de Betki, il y a le jury - cinq hommes, sept femmes, tous inuits, comme elle. Et à sa gauche, les avocats de la défense, blancs, comme le procureur et le juge.
    La voix étranglée, Betki se lance: «C'est un soir où je n'arrive pas à m'endormir, je suis couchée dans la chambre de ma mère...»
     
    L'homme qui est entré dans la maison de Betki ce soir de février 2006 s'appelle Sam Grey. La fillette le connaissait trop bien: il entretenait une relation orageuse avec Kitty, sa maman.
     
    Dans ses accès de jalousie, Sam a souvent battu Kitty. La dernière fois, il a écopé de 15 mois avec sursis. Ce soir fatidique, il était encore sous le coup de ce jugement. Il aurait dû se trouver chez lui, à l'autre bout du village
    .
    Mais il était là, il avait bu et il était plus enragé que jamais. «Maintenant, il arrache la patte de la table et il frappe ma mère», poursuit Betki, qui a vu ces scènes d'horreur cachée derrière le comptoir de la cuisine.
     
    Le père de Betki est assis à ses côtés dans la salle d'audience et lui tend les mouchoirs de papier avec lesquels elle essuie ses yeux. C'est un Blanc, ou un «Halounak», comme on dit ici. Depuis que sa mère est morte, Betki vit avec lui à Montréal.
     
    Maintenant, la fillette parle de sang et de cheveux qui «volent partout», du couteau dans le tiroir de la cuisine, de sa fuite avec sa grand-mère, en pyjama, dans la nuit arctique.
     
    Suivent les dernières scènes du carnage aperçues depuis la maison voisine: Sam qui tire Kitty à l'extérieur de la maison. C'est là qu'on les a trouvés au milieu de la nuit: Kitty, 36 ans, couchée sur un matelas recouvert d'un drap à imprimés Pokémon. Et Sam, 30 ans, étendu à ses côtés, sur la neige maculée de sang.
     
    L'histoire
     
    Si on oublie la neige, cette histoire aurait pu se passer n'importe où dans le monde: aucun pays n'est immunisé contre les excès d'alcool, la jalousie extrême et l'amour qui tue. Mais ces événements se sont aussi déroulés dans un lieu précis, dans un contexte qui a permis que le meurtre ait lieu.
     
    Ce printemps, La Presse a suivi le procès de Sam Grey à Kuujjuaq, la «métropole» du Grand Nord québécois, après avoir passé une semaine à Kangirsuk, le village que Betki appelle «mon pays». Nous voulions comprendre comment ce «pays» rempli de gens qui l'aiment lui a volé ce qu'elle avait de plus précieux: sa mère.
     
    Le village
     
    À Kangirsuk, il y a un aréna, une école, deux supermarchés, un centre communautaire et un stand à poutine fermé les trois quarts du temps.
     
    Le principal lieu de rencontre dans ce village de 460 habitants, ce sont les deux magasins où les gens s'arrêtent en rentrant de travailler. Il suffit de quelques jours pour reconnaître presque tous leurs clients.
     
    Des maisons aux étages colorés, toutes construites selon le même modèle, longent la grande rue du village, récemment asphaltée. Il n'y a pas d'autos, seulement des quatre-roues, des jeeps et des pick-up.
     
    Kangirsuk longe une baie de la rivière Payne qui laisse transparaître des plaques de glace turquoise. «Le village a deux visages, celui du jour et celui de la nuit», explique l'un des deux policiers de l'endroit tandis que nous suivons la baie dans son camion de patrouille.
     
    Dans le «Kangirsuk du jour», il est impossible de marcher plus de cinq minutes sans qu'une jeep s'arrête pour vous déposer quelque part. Le vendredi, les familles se préparent pour aller camper dans la toundra. Au retour, les chasseurs placent les oies et les ombles chevaliers dans le réfrigérateur collectif.
     
    Dans la nature, les tares sociales du village s'évaporent. «Même les personnes les plus tout croches, je les suivrais les yeux fermés dans la toundra», assure l'infirmière Valérie Desbiens.
     
    Mais au revers, il y a le «Kangirsuk des mauvaises nuits», celles qui suivent les gros arrivages d'alcool. La musique s'échappe alors de quelques maisons et les quatre-roues bourdonnent comme des guêpes jusqu'à l'aube. La dernière chose dont on a envie, c'est qu'ils s'arrêtent pour nous faire monter...
     
    C'est au cours d'une de ces nuits que Sam a tué Kitty. Ce week-end-là, une grande quantité d'alcool est entrée au village. Tard dans la nuit, des hommes ivres se sont mis à tirer en l'air. Terrorisés, les gens se terraient chez eux. Les deux policiers en avaient plein les bras.
     
    Où aller?
     
    «Bien sûr que je savais qu'il la battait, mais je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas», confie une femme qui se décrit comme une amie de Kitty.
    La violence domestique est tellement répandue dans les 14 villages du Nunavik que c'est plutôt son absence qui étonne.
     
    «Quand je leur disais que mon mari ne me battait jamais, mes élèves n'en revenaient pas. Elles croyaient que c'était parce que j'ai de plus gros bras que lui», confie une enseignante habituée du Nord.
     
    Les femmes ne sont pas toutes des victimes, les hommes ne cognent pas tous dès qu'ils ont bu. Mais peu de familles échappent au phénomène. Et quand elles veulent fuir, les femmes n'ont nulle part où aller.
     
    À Kangirsuk, il n'y a aucun logement à louer. Il n'y a pas non plus d'abri pour femmes battues. Et les quelques kilomètres de route débouchent sur la toundra. Seul moyen de fuite: l'avion. Souvent, la victime a le choix entre endurer ou s'exiler. Plusieurs endurent. Au risque de croiser leur agresseur chaque jour au magasin.
    «Les juges blancs ne connaissent pas la réalité inuite», tranche Zebedee Nungak, croisé à Kuujjuaq alors qu'il attendait de témoigner au procès de Sam Grey.
    Quand un homme violent purge sa peine chez lui, il est quasi impossible de le forcer à respecter ses conditions, souligne cet ancien leader inuit qui qualifie les condamnations avec sursis, fréquentes dans le Nord, de «bonbons».
     
    Est-ce la faute de notre communauté si Sam a tué Kitty? demande sa femme, Jeannie. Ou bien celle d'un système qui ne l'a pas gardé derrière les barreaux?
     
    Pas si sec
     
    Quand elle voit passer le camion d'une compagnie de bière, Betki fait parfois cette réflexion: «C'est eux autres qui ont tué ma mère.»
     
    L'alcool et la toxicomanie sont les démons du Nunavik. «Près de 95% de nos dossiers y sont liés», estime Jobbie Epoo, chef de la police régionale.
     
    Avant l'arrivée des Blancs, les Inuits ne buvaient pas. Les «anciens» de Kangirsuk racontent que ce sont les prospecteurs d'Hydro-Québec qui les ont fait trinquer dans les années 50. Combiné au choc de la modernité, l'effet a été dévastateur.
     
    Ici, tout le monde a un problème d'alcool, ou en a déjà eu un, ou a un proche parent qui en souffre. Le maire de Kangirsuk, Joseph Annahatak, confie avoir fait une cure de désintoxication. Tommy Kudluk, directeur administratif de l'école, a cessé de boire quand il a «rencontré Jésus».
     
    Pour combattre les méfaits de l'alcool, toutes les communautés sauf Kuujjuaq pratiquent la politique du «village sec». La bière et le vin sont limités, les bars et les boissons fortes sont interdits. En contrebande, les liqueurs fortes se vendent à prix d'or: 100$ pour une petite bouteille d'eau remplie de vodka.
     
    À Kangirsuk, on ne se gêne pas pour montrer du doigt les maisons des présumés trafiquants. Une femme appartenant à la famille le plus souvent mise en cause ne rejette pas l'accusation. «Tout le monde fait de la contrebande, ici», lance-t-elle en riant lors d'une rencontre à l'atelier de couture traditionnelle...
     
    La peur
     
    L'assassinat de Kitty a été le premier meurtre connu de l'histoire de Kangirsuk. Le lendemain, le village s'est réveillé avec une question grande comme la baie d'Ungava: comment une telle chose a-t-elle pu se produire chez nous?
     
    Dans les jours qui ont suivi ce meurtre, le maire Joseph Annahatak a appelé les habitants du village à dénoncer les contrebandiers. Sans résultat.
     
    Pourtant, ce n'est pas compliqué de savoir par où arrive l'alcool: il y a l'avion et, en été, le bateau. «Ce serait facile de passer toutes les valises aux rayons X, mais il nous faudrait un mandat, donc une dénonciation», note le policier Éric Ménard.
     
    Les appels à la délation restent sans réponse. Et pour cause. Il y a deux mois, un homme a défoncé la porte du poste de police de Kangirsuk à coups de pic à glace. Début mai, un autre a blessé un agent en le menaçant de mort. Et c'est sans parler du quatre-roues qui a enfoncé délibérément la porte du camion de patrouille.
     
    Ces «cas lourds» ne représentent qu'une trentaine de personnes, soulignent les policiers. Mais dans ce village aux murs de verre protégé par deux policiers non armés, c'est assez pour faire hésiter les délateurs potentiels.
     
    Changer les choses
     
    À Kangirsuk, en avril, la présidente du comité scolaire, Lizzie Putulik, a fait la tournée des classes pour mettre les jeunes en garde contre l'alcool et les drogues.
    D'autres travaillent fort pour occuper les jeunes. Il y a la compétition de paraski en avril, le centre communautaire où l'on peut jouer au hockey-bottines, les séances d'aide aux parents.
     
    Mais ces initiatives restent de minuscules gouttes d'eau dans un désert de ressources. Un exemple: alors que les excès d'alcool font des ravages, le Nunavik compte un seul centre de désintoxication qui ne peut accueillir qu'une dizaine de patients à la fois. Ces jours-ci, ce centre ne va pas très bien. Sa directrice, Annie Gordon, s'est suicidée en avril...
     
     
    Note: Certains noms ont été changés pour protéger l'anonymat des personnes citées dans ce reportage.
     
     
    LE NUNAVIK C'EST...
     
    14 villages de l'Arctique québécois bordant la baie d'Hudson et la baie d'Ungava.
    Une population de 10 000 Inuits dont près de 60% ont 25 ans et moins.
    Un taux de violence domestique 10 fois plus élevé que la moyenne canadienne.
    Un taux de suicide de six à 11 fois plus élevé que la moyenne canadienne.
    Une espérance de vie qui est passée de 66,5 à 62,8 ans entre 1989 et 2003.
     
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